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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/223

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de l’importance technique de leur mise en œuvre. Un allegro, un andante, et un allegro, les deux allegros écrits dans le même ton, et l’andante dans un ton voisin : tel était le « schéma » de cette sonate, sauf pour le rythme et l’allure du final à être plus vifs et plus serrés que ceux du premier morceau. Et le final avait beau courir plus vite : il n’en restait pas moins une partie essentielle de la sonate, toujours employé, lui aussi, à l’expression approfondie d’un sentiment particulier, toujours traité d’après les mêmes procédés d’élaboration thématique qui avaient servi pour les deux autres morceaux.

Car si les deux sonates différaient par leur disposition extérieure, bien plus encore elles s’opposaient par l’ordre et l’enchaînement des idées à l’intérieur de chaque morceau. Dans la sonate « italienne, » chaque morceau, pour peu qu’il fût développé, se divisait en deux parties, de longueur et d’importance à peu près égales. C’est ce qu’on a pu appeler la coupe binaire. Étant donné, par exemple, un motif initial en ut majeur, ce motif, après avoir été exposé une ou deux fois sous sa forme complète, se fragmentait, se variait, s’entremêlait d’autres motifs secondaires ; et des modulations survenaient, qui, de proche en proche, tendaient à se diriger vers les tons voisins de sol majeur ou de fa majeur, ou encore vers le ton d’ut mineur : puis, après les barres du da capo, la même série d’opérations se reproduisait, mais en sens inverse, c’est-à-dire que, partant du ton voisin ou du mineur, le morceau aboutissait au ton principal, et, dans notre exemple, se terminait en ut majeur, comme il avait commencé. Quant au contenu de cette seconde partie, l’auteur était libre soit d’y introduire des idées nouvelles, ou de reprendre simplement l’idée principale et de répéter, avec des variantes, la première partie : mais toujours à la condition de renverser l’ordre des tons suivi dans celle-ci, c’est-à-dire, de commencer dans un ton voisin pour finir dans le ton principal. Et souvent, de plus en plus souvent avec les années, il arrivait que cette seconde partie du morceau s’étendait, s’enrichissait de passages, d’ornemens, ou même de motifs nouveaux, devenait plus longue et plus travaillée que la première partie : mais la coupe générale en deux parties persistait sous tout cela ; le morceau gardait toujours son type binaire, tel que l’avait créé, vers 1720, le fécond et savant Domenico Scarlatti, que l’on peut considérer comme le véritable fondateur de la sonate « italienne. »