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la Chambre contre lui-même. N’insistons pas, M. Combes a retiré tout ce qu’il avait dit ; M. Ribot, au contraire, a tout maintenu. Oui, M. Combes avait parlé dans son discours en théologien, et non pas en ministre : nous croyons d’ailleurs qu’il s’était égaré dans la théologie tout autant que dans la politique. Les radicaux et les socialistes l’ont armé contre l’Église : il a retrouvé aussitôt en lui des souvenirs d’autrefois qu’il a confondus avec les passions d’aujourd’hui : de là son discours. Nous n’en retenons qu’une chose, à savoir que le gouvernement veut la séparation, et qu’il la fera si on lui en laisse le temps. Ses déclarations ont été catégoriques ; elles ont été approuvées par une majorité de 88 voix, et il semble bien, malgré les réserves ou les équivoques que beaucoup de députés ont mises dans leur vote, qu’il y ait eu, là aussi, de la part de la Chambre, un engagement qu’elle est décidée à tenir. Le langage vraiment politique dans ce débat a été tenu par M. Ribot, mais c’est celui de M. Combes que la Chambre a approuvé.

Au lieu de prendre position sur la question elle-même, les deux groupes les plus modérés du Bloc ont cherché une échappatoire du côté de la procédure parlementaire. Ces deux groupes se nomment l’Union démocratique et la Gauche radicale : le premier est présidé par M. Etienne et le second par M. Sarrien. Il y a là, à côté d’impatiens qui trouvent que le ministère dure bien longtemps, des hommes faibles, mais sensés, qui trouvent que le ministère nous conduit à la ruine. Ils n’osent pas le dire, mais ils le sentent vivement. Peut-être ne faut-il pas demander aux hommes plus qu’ils ne sont capables de donner, et exiger d’eux par exemple qu’ils abordent de front une difficulté qu’ils espèrent tourner. Les groupes de l’Union démocratique et de la Gauche radicale ont donc imaginé successivement, — ils l’ont fait l’un après l’autre, — d’exiger du ministère qu’il déposât directement un projet de loi sur la séparation de l’Église et de l’État. Ils sont partisans de cette séparation, certes ! autant que qui que ce soit, autant que M. Combes ! autant que M. Briand ! mais il leur semble que, puisqu’il a d’ailleurs une opinion ferme, le gouvernement doit l’exprimer, et prendre la direction du mouvement au lieu de le suivre. Nous sommes bien de leur avis. Il est inouï que le gouvernement laisse à d’autres, dans une question aussi grave, le soin de faire une loi, sauf à s’y rallier lui-même en y proposant des modifications. Pourtant les choses sont ainsi. M. Briand, socialiste, est l’auteur d’un projet que la commission compétente a fait sien et dont elle l’a nommé rapporteur : c’est à cela que le gouvernement se raccroche