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En ces temps reculés, l’époque la plus féconde en applications chimiques fut celle qui correspond à la civilisation égyptienne. A la suite d’un grand nombre d’essais industriels, on put teindre les tissus avec la pourpre, travailler les métaux rares, fondre les émaux, fabriquer et façonner le verre, et préparer des liqueurs fermentées.

D’autre part, un petit peuple qui, en toutes choses, devait jeter le plus vif éclat sans produire d’applications nouvelles, cherchait à expliquer philosophiquement ces transformations de la matière. Les philosophes grecs dissertèrent longuement sur ce sujet. Empédocle ramena tous les corps que la nature peut nous présenter à quatre élémens : le feu, l’air, l’eau et la terre, Pour lui, ces élémens sont composés d’une multitude de particules très petites, indivisibles et insécables. Une telle théorie nous conduira aux atomes de Démocrite. Soit que nous prenions ces élémens pour des symboles, soit que nous les regardions comme une classification véritable des manifestations de la matière qui nous entoure, l’idée d’Empédocle, reprise par Aristote, enseignée par toutes les écoles, devait être pendant longtemps envisagée comme indiscutable. Epicure soutiendra la théorie des atomes, et Lucrèce, dans une divination poétique, pourra écrire :


Principio, quoniam terrai corpus, et humor
Aurarumque leves animæ, calidique vapores,
Et quibus hæc rerum consistere summa videtur,
Omnia nativo ac mortati corpore constant ;
Debet eodem omnis mundi natuca putari.


L’idée des quatre élémens va se retrouver intacte chez les chimistes arabes et chez les alchimistes du moyen âge, bien qu’elle subisse différentes transformations avec Paracelse qui reconnaît cinq élémens : l’esprit, le mercure, le phlegme ou l’eau, le sel, le soufre ou l’huile et la terre ; puis avec Beecher qui admet trois essences de terres : la terre vitrifiable, inflammable et mercurielle.

Cette théorie des quatre élémens régnera, sans conteste, jusqu’au moment où Stahl, professeur à l’Université de Halle, développera son importante conception du phlogistique. Pour Beecher, les corps combustibles et les métaux contenaient les trois terres réunies. Pour Stahl, cette terre inflammable devient le phlogistique. Le charbon, par sa combustion, donne de la chaleur et de