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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/406

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les efforts que font pour améliorer leur condition les nations chrétiennes de l’Europe. Il n’a aucunement le désir d’un gouvernement populaire, il n’aspire nullement à la liberté individuelle, il oppose à tout progrès en ce sens un mur infranchissable de dédain et de mépris. Les Philippins, sous leurs maîtres civilisés, ont, en tant que peuple, respiré l’idée de liberté et d’autonomie. Beaucoup parmi eux ont combattu, ont versé leur sang et donné leur vie en luttant pour l’indépendance. Cette lutte fut une erreur, mais leur sacrifice et leur bravoure n’en sont pas moins dignes d’admiration et témoignent d’un peuple capable des plus grandes choses[1]. »

Les Philippins sont très attachés au catholicisme. Sans doute, comme le fait remarquer M. Taft, ils ont pris du catholicisme ce qui convenait à leur tempérament d’Orientaux, ils ont pris plutôt l’écorce que la moelle, plutôt les formes extérieures que la morale ; ils aiment surtout les belles cérémonies, les pèlerinages, la pompe et la musique des grandes fêtes, mais il n’en est pas moins vrai que le catholicisme est entré dans leur vie. Elle se déroule dans un cadre chrétien, elle est réglée tout entière par les lois du catholicisme. En arrivant aux Philippines, les Américains ont dû tenir compte de ce fait indiscutable, mais ils se sont trouvés en face d’un autre fait également certain, quoiqu’en apparence contradictoire, c’est la haine que les indigènes professaient pour les moines espagnols. On sait qu’aux Philippines, les Espagnols avaient confié le soin de l’apostolat et la cure des paroisses aux religieux de quatre grands ordres : Franciscains, Augustins, Récollets, Dominicains ; tous étaient des Espagnols, et c’est à eux qu’appartenaient tous les biens de l’église philippine, c’est eux qui remplissaient toutes les fonctions importantes. Le clergé indigène était systématiquement tenu en tutelle, réduit aux plus humbles besognes. Ainsi le voulait le système de gouvernement des Espagnols : les frati étaient le plus ferme appui de l’administration, et c’est de là que venait leur impopularité. Dans le dernier demi-siècle, le gouvernement espagnol leur imposa — et ils acceptèrent sans trop se faire prier — certaines fonctions d’administration municipale et provinciale : en fait, ils finirent par réunir entre leurs mains tous les pouvoirs ;

  1. Discours cité. — Dans tout ce chapitre, nous ne cesserons pas de suivre, d’aussi près que possible, le texte même des rapports ou des discours de M. Taft ou de son article de la revue Outlook.