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européens et de la chancellerie pontificale en particulier. Le pape Léon XIII et le cardinal Rampolla souhaitaient vivement d’arriver à une entente ; mais, en accédant sans réserves, par un traité formel, à toutes les demandes des Américains, en consentant au remplacement immédiat de tous les moines espagnols par des prêtres d’une autre nationalité, ils redoutaient de paraître sanctionner ce que la force avait fait et de créer un dangereux précédent que tous les conquérans de l’avenir pourraient invoquer. La négociation se termina donc sans contrat écrit : il n’y eut, entre le Saint-Siège et les Etats-Unis, ni un traité, ni l’embryon d’un concordat ; mais les deux pouvoirs se mirent d’accord sur la méthode à appliquer aux Philippines. Le Pape admit que les terres appartenant aux ordres monastiques pourraient être rachetées par l’Etat américain, et que ceux des anciens religieux dont le retour à leur ancienne paroisse serait reconnu impossible, pourraient être remplacés par des prêtres d’une autre nationalité. Ainsi, selon la tradition de la curie romaine, le Pape sauvegardait les principes, mais, sur les questions de fait, il se montrait disposé à tous les accommodemens compatibles avec les intérêts catholiques et avec la dignité du Saint-Siège, et il promettait d’envoyer aux Philippines un délégué apostolique pour régler sur place toutes les difficultés dans un esprit d’équité et de bonne volonté réciproque.

Satisfait du succès de sa mission, le gouverneur civil rentra à Manille où il fut suivi de près par le délégué du Saint-Siège, Mgr Chapelle, archevêque de la Nouvelle-Orléans ; mais, soit que le prélat américain ait eu avec M. Taft des démêlés personnels, soit que, dès son arrivée, il ait été circonvenu par les moines espagnols, l’entente ne put se faire, et les rapports du délégué apostolique avec les autorités américaines devinrent si difficiles que, dans l’intérêt des deux parties, le Pape rappela Mgr Chapelle, et envoya à sa place un prélat de la curie romaine plus conciliant, Mgr Guidi, archevêque de Staurpoli. C’est avec lui que M. Taft prépara le règlement de la question si épineuse qui paralysait les efforts des Américains dans l’archipel des Philippines (fin de 1902).

C’est dans le détail des applications qu’apparaît l’extrême complexité du problème. M. Taft et Mgr Guidi avaient d’abord à vaincre la résistance des ordres religieux qui, par toutes sortes de manœuvres, tentèrent de rompre la bonne intelligence entre