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bras. Alors Magnus, pour punir son frère, dénonce au gouverneur un faux commis par Oscar pendant son séjour à Monte-Carlo ; et maintenant, c’est Oscar, l’enfant prodigue, qui, à son tour, se voit chassé de la maison paternelle.

Il se rend à Londres, où, après de longs mois de misère, il trouve une place de chef d’orchestre dans un petit théâtre. La place lui est procurée par Helga, qui, elle-même, a réalisé sa destination naturelle en devenant actrice. Et c’est elle encore qui, la saison suivante, emmène Oscar, toujours amoureux, dans une ville d’eaux française, où son talent de chef d’orchestre lui vaut tout de suite un succès extraordinaire. Mais le malheureux, pour subvenir au luxe de sa maîtresse, se remet à jouer. Puis, quand il a perdu jusqu’à son dernier sou, un fantastique directeur de casino lui propose de jouer avec des cartes biseautées qu’il lui remettra, exigeant seulement pour lui la moitié des gains. Et Oscar finit par accepter la proposition, non plus par amour pour Helga, dont la dureté et l’égoïsme ont fini par le détacher d’elle, mais par amour pour ses parens, qu’il a ruinés, pour sa fille, qu’il rêve de rendre riche. Il joue, il fait sauter la banque ; on découvre sa tricherie ; et le directeur du casino, après l’avoir secrètement renvoyé à Londres, annonce qu’il s’est tué pour échapper à sa honte. De Nice à Paris, de Paris en Islande, la nouvelle se répand du crime et du suicide d’Oscar Stephensson.

Dix après, toute l’Islande accueille en triomphe le plus grand et le plus fameux compositeur de l’Europe entière, un certain Christian Christiansson, qui, en imprégnant de son propre génie les légendes et les chansons populaires islandaises, s’est acquis une gloire telle que n’en connurent jamais Rossini ou Wagner. Ce Christiansson est, naturellement, l’enfant prodigue, Oscar Stephensson. Sur le bateau qui l’amène, puis à Reykjavik, il retrouve d’anciens compagnons ; et bien que, dans toutes les conversations qui nous sont rapportées, il ne leur parle jamais que d’Oscar Stephensson, personne n’a l’idée de le reconnaître. Personne ne songe même à s’étonner de ce que cet Islandais n’ait pas, en Islande, quelque coin où il soit né, quelque parent qui lui soit resté. Lui, cependant, comme je l’ai dit, n’a de pensée que pour les Stephensson. Il apprend que, après la mort de son père, sa mère et sa fille sont allées demeurer, avec Magnus, dans une ferme de la montagne ; que, peu à peu, la ruine a envahi jusqu’à ce dernier reste de la fortune familiale ; et que la ferme va être vendue aux enchères, le lendemain même, de grand matin. Aussitôt, tandis que la population de Reykiavik prépare une fête en son honneur, il s’enfuit