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le 4 juillet, la nouvelle de la capitulation arriva aux troupes. Elles devaient abandonner leurs positions, fuir devant l’ennemi, et, sans un coup de fusil ni un coup de sabre, lui livrer Paris et trente lieues de pays jusqu’à la Loire. La colère saisit l’armée. Les rangs sont rompus. Au milieu des murmures et des clameurs, on entend : « — Nous sommes toujours trahis ! — C’est comme dimanche soir. — Combien le maréchal Davout a-t-il reçu pour livrer Paris ? — On nous vend comme des bêtes à cornes ! — Restons ici. Nous nous battrons pour notre compte. — Que les Prussiens viennent nous faire partir ! — Si l’Empereur était là ! — Vive l’Empereur ! — Paris est rempli de royalistes et de brigands. — Faisons-nous justice ! — Brûlons cette ville de traîtres… Ne nous en allons que quand tout sera brûlé. » Pour s’exalter plus encore, on décharge les fusils en l’air. Un convoi chargé de pain débouche de la barrière d’Enfer. On crie : « C’est pour les Prussiens ! » Des soldats arrêtent les chevaux, coupent les traits, culbutent les voitures, jettent tous les pains dans les fossés. Au nord de Paris, c’est le même tumulte. Soldats et fédérés déclarent qu’ils ne quitteront point leurs postes. Tout le jour, des artilleurs en révolte canonnent les positions ennemies. Des commissaires anglais qui se présentent aux avant-postes avec un officier français sont insultés, menacés, frappés à coups de sabre par des lanciers et des fédérés.

Les officiers de troupes et nombre de généraux sont aussi indignés, aussi furieux que les soldats. On veut retirer à Davout le commanderont dont on le juge désormais indigne. Exelmans, Fressinet et plusieurs de leurs camarades abordent Vandamme et l’adjurent de se mettre à la tête de l’armée pour marcher contre l’ennemi. Mais Vandamme est converti depuis deux jours aux idées de Davout. Il révèle qu’au conseil de guerre de la Villette, il a fini par se rallier à l’avis de la majorité ; il déclare que la capitulation était une nécessité. « — D’ailleurs, conclut-il philosophiquement, je me suis assez battu comme cela ! » Ainsi éconduits, les généraux ne sont ni convaincus, ni découragés. Ils délibèrent sur le choix d’un nouveau chef à prendre parmi eux.

A la Commission de gouvernement, l’inquiétude est grande. On multiplie les dépêches à Davout, à Masséna, commandant la garde nationale, au nouveau préfet de police Courtin. Il faut apaiser la sédition militaire, faire filer les troupes par les