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protester ! » s’écrièrent-ils. Et ils se rendirent aussitôt chez le président Lanjuinais, qui se fût très volontiers passé de cette visite (il s’en excusa dans une lettre à Talleyrand). Là, ils rédigèrent une sorte de procès-verbal constatant simplement qu’on leur avait refusé « les portes du lieu ordinaire de leur séance, » puis ils rentrèrent chacun chez soi[1]. Ainsi l’assemblée qui avait abattu l’Empereur était dispersée par un piquet de vingt-cinq gardes nationaux ! Cette misérable Chambre des Cent-Jours méritait une telle fin. Elle n’avait eu d’énergie que pour seconder l’étranger en désarmant de l’épée napoléonienne la France envahie. Ce coup d’Etat l’ayant mise en possession du pouvoir souverain, elle l’avait abandonné à des mains débiles ou traîtresses. Toujours ardente en paroles et toujours lâche à l’action, elle avait déclamé sans oser agir. Foncièrement hostile aux Bourbons, elle avait préparé leur retour par ses déclarations ambiguës et ses votes incohérens. Elle avait oublié la détresse nationale dans de stériles discussions sur une constitution mort-née. Dupe des promesses hypocrites des alliés, dupe des protestations mensongères de la Commission de gouvernement, dupe des grands mots et des phrases à effet des orateurs inféodés au duc d’Otrante, elle n’avait su rien voir, rien prévoir, rien empêcher. Enfin, après la capitulation de Paris, elle avait elle-même, par lassitude et par peur, proclamé honteusement sa déchéance en repoussant la proposition, digne d’une assemblée patriotique, de suivre l’armée vers la Loire.

Pendant une partie de la matinée, Paris resta dans l’ignorance du grand événement qui se préparait. Des rassemblemens, des discussions dans les groupes, quelques rixes, mais pas une cocarde blanche aux chapeaux, pas un drapeau blanc aux fenêtres. Vers dix ou onze heures, le Moniteur parut ; des extraits, décorés des armes royales, en furent affichés par les agens de la préfecture de police et colportés par les vendeurs ambulans. La feuille officielle, imprimée en caractères plus gros que de coutume, avait été rédigée sous la direction de Vitrolles. Peu de mots, pas de phrases ; des faits et des actes : « La Commission de gouvernement a fait connaître au Roi, par l’organe de son président, qu’elle venait de se dissoudre. — Les Chambres

  1. La veille, la Chambre des pairs s’était séparée sans la moindre opposition, après avoir entendu le dernier message du gouvernement et appris qu’un détachement prussien venait d’occuper le jardin et les cours du Luxembourg.