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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/52

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dans cette vigoureuse nature, nous tendons à retrouver les puissantes primitives, à connaître la source et le fort courant dont notre courte vie n’est qu’un flot : mais je nie que la puissante vallée historique du Rhin et qu’une montagne, où le monastère catholique succède au collège des druides, me proposent les mythes du Véda, d’Hésiode et d’Eschyle et les rêves panthéistes du grand homme de Weimar. Je me vois assujetti à des puissances génératrices que je puis définir. La connaissance que j’en ai ne me laisse point m’égarer ; elle me suggère une amitié pour ceux qui ont humanisé cette nature. A Sainte-Odile, je me mets sous la conduite des historiens et je leur demande le détail de nos longues préparations.

Lorsque j’entre sur mon sol sacré, sur la terre où s’incorporent mes pères qui la firent, tout respire et enseigne leur histoire. Je ne mènerai point sur l’Ottilienberg la vierge grecque acclimatée à Weimar par Goethe ; mais j’honore, en lui donnant son plein sens, sainte Odile que j’y trouve honorée, et je me subordonne, pour mieux progresser, à l’antique patronne de l’Alsace.


VII. — LA FIGURE DE SAINTE-ODILE

Cette montagne était un bon sol, pour qu’il y poussât une plante nationale, car bien avant sainte Odile, elle fut un centre religieux, politique et guerrier.

Dès le IVe ou le IIIe siècle, avant Jésus-Christ, les Celtes, ayant passé sur la rive gauche du Rhin, construisirent le mur païen. Il y eut sur ce sommet un oppidum gaulois et probablement un collège sacerdotal druidique. Les Romains vainqueurs y dressèrent la citadelle dont nous distinguons les vestiges. Sans doute, on venait ici en pèlerinage honorer Rosmertha, déesse des régions de l’Est. Sur la côte de Sion, la chose est certaine, elle était adorée et elle guérissait ; presque toujours, son nom se lie à celui du Mercure gaulois, son frère et son amant honoré, lui, sur le Donon : c’est un malheur que nous soyons ignorans des vertus de cette Rosmertha, car elles durent passer à la vierge chrétienne qui, selon la coutume, lui fut substituée.

Sainte Odile fut une héritière, mais d’un grand mérite personnel. C’est une graine tombée dans une terre déjà riche, mais une graine d’une nature à pousser haute et droite.