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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/568

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monarchie et à son immuable cérémonial une scène magnifique. En multipliant et en variant à l’infini des aménagemens jolis et gracieux comme le style même qui a gardé son nom, Louis XV ne rechercha que la satisfaction de son caprice, son agrément, sa commodité, — l’on dirait à présent son confort. Aussi ce qui prime tout dans le château de Louis XIV, ce sont les grands appartemens qui, créés pour mettre en lumière toute la pompe royale, exercent aujourd’hui encore sur le visiteur l’effet de leur éblouissant prestige ; dans la demeure de Louis XV, ce sont les cabinets dont l’hôte, insoucieux du dehors, ne demandait qu’à avoir ses aises intimes et à les accroître sans cesse.

Lorsque, de Vincennes, où elle avait émigré, dès le lendemain de la mort de Louis XIV, la Cour, après une absence de sept ans, eut été ramenée à Versailles par l’attrait d’une grandiose installation que rehaussait un illustre souvenir, le jeune Roi, entouré des survivans du grand règne, en tête desquels était Fleury, son précepteur, bientôt son premier ministre, fut dominé par la puissance d’une telle tradition et, pendant les premières années, ne fit guère que la suivre. Alors on construisit le salon d’Hercule, ainsi nommé du prénom de l’évêque de Fréjus, et qui fut une heureuse addition aux grands appartemens qu’il complète et fait communiquer avec la chapelle. Alors aussi fut exécuté, de 1733 à 1741, le plan définitif du bassin de Neptune, plusieurs fois modifié, et qui, par son imposant aspect, paraît se rattacher bien plus à l’époque de Louis XIV qu’à celle de Louis XV.

La tutelle du nonagénaire cardinal n’avait, cependant, pas encore pris fin que percent déjà les vrais penchans du monarque, dont la liaison avec Mme de Mailly n’était plus un mystère. Ayant brisé le joug de Marie Leczinska, qui, pendant trente ans, confinée de l’autre côté du palais, ne cessera de lui être étrangère, Louis XV, dès ce moment, se plaît à aller, dans le château même, chercher auprès de l’indulgente comtesse de Toulouse ou de la facile Mlle de Charolais les prémices d’une liberté dont, bientôt, il abusera au-delà de toute mesure. Désormais, la grande préoccupation de Louis XV, c’est de s’évader de sa prison dorée ou, quand il y est ramené par la grandeur qui l’y rappelle, d’en modifier l’aspect, afin de pouvoir un peu plus aisément s’imaginer que cette prison n’est plus la même. Aussi le voit-on, sans relâche, se livrer, à Versailles, à ce qu’on pourrait appeler le lieu