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d’environ 1 500 ; la contenance moyenne qui, avant l’opération, était de 25 ares, a monté à 30 ares, et la dépense totale n’a pas dépassé 13884 francs, soit 17 fr. 42 centimes par hectare ; affranchis des entraves de l’assolement commun, les cultivateurs ont acquis toute liberté dans leur culture, et se sont familiarisés avec l’idée du groupement de leurs propriétés.

Est-ce la grande, la moyenne ou la petite propriété qui s’est le plus accrue au XIXe siècle ? Sur ce point le doute ne semble pas possible. Presque partout, sauf en Seine-et-Marne, la petite propriété entame, ronge, dévore la grande ; les marchés de terre, c’est-à-dire l’achat des terres sans les bâtimens, démontrent aussi la tendance au morcellement. La propriété à l’heure actuelle ne tend ni à s’émietter, ni à se reconstituer en grands domaines ; mais, depuis vingt-cinq ans, environ le nombre des cotes foncières diminue, et cette diminution semble porter sur la petite propriété. D’une part, le nombre des journaliers propriétaires décroît : ils étaient 1 134 490 en 1862, et en 1892 ils tombent au chiffre de 588 950. D’autre part, le nombre des propriétaires assez riches pour ne pas cultiver d’autres terres que les leurs augmente : 1 802 352 en 1862 ; 2 183 129 en 1892. Qu’est-ce à dire, sinon que la moyenne propriété gagne du terrain au détriment de la petite ? Citons ici quelques témoignages de l’enquête de 1900 : — Criquebœuf-la-Campagne (Eure). « Le nombre seul des petits propriétaires a sérieusement diminué (421 à 311), sans que la superficie possédée se soit amoindrie. Ce changement est évidemment dû à la diminution de la population par suite de l’émigration vers la ville, qui a surtout entraîné les individus peu aisés. » — Venès (Tarn). « En résumé, les changemens qui se sont produits dans la répartition des propriétés depuis soixante-dix ans ont abouti : 1° à une réduction des grandes propriétés, surtout en étendue ; 2° au maintien de la moyenne ; 3° à l’extension de la petite propriété et à l’accroissement du nombre des petits propriétaires, à l’exception des très petits. » — Sanzay, (Deux-Sèvres) : « L’affaiblissement dans la petite propriété provient, selon nous, de la difficulté pour elle de conserver un bien péniblement acquis ; quelques mauvaises récoltes successives, une grave maladie, l’entretien coûteux d’une grande famille, nécessitent la vente du petit patrimoine que se partagent et se disputent les propriétaires aisés de la moyenne et les riches de la grande. Il provient aussi de ce que les petits propriétaires, étant