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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/669

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l’émigration des petits propriétaires, 15 pour 100 à l’abaissement de la natalité ; 5 pour 100 à l’extension des cultures de moyenne étendue ; 5 pour 100 au développement de la grande propriété[1]. On voit par-là ce qu’il faut penser de certaines déclamations sur la résurrection de la féodalité terrienne, et « l’agonie de la propriété paysanne. »


III. — DÉPOPULATION DES CAMPAGNES

L’apologue des sept vaches grasses et des sept vaches maigres semble une prophétie pour l’agriculture française. « Pendant les quarante ou cinquante premières années du XIXe siècle, la production agricole avait peu augmenté. Sans facilités de communication, elle se bornait à pourvoir à la consommation locale, répondant à une vieille conception aux termes de laquelle une ferme devait se suffire à elle-même, assurer l’existence matérielle du cultivateur et de sa famille, en fournissant les divers objets nécessaires à leur subsistance[2]. »

Voici venir les chemins de fer, la substitution de la marine à vapeur à la marine à voiles : ils poussent la population rurale vers ces villes qu’un vieux paysan fanatique appelait un jour devant moi « les excrémens des campagnes ; » mais en même temps, ils créent des débouchés nouveaux aux produits de la terre, permettent de les écouler à des prix plus élevés. La main-d’œuvre ne s’est pas encore raréfiée, les impôts n’ont pas augmenté, la concurrence étrangère ne s’est point fait sentir sur nos marchés, les propriétaires louent mieux leurs fermes.

L’ère de prospérité dure vingt-cinq à trente ans ; les anciens parlent souvent de l’Empire sous lequel, disent-ils, on faisait de l’argent, et leurs âmes simplistes oublient la terrible rançon de cette prospérité très réelle. Une réaction éclate en 1879 après une mauvaise récolte ; les mêmes causes qui ont amené l’aisance, vont déterminer la gêne, malgré les efforts accomplis : et puis des fléaux ont précipité la crise, le phylloxéra a détruit bien des vignobles, et fait la solitude.

La population urbaine augmente, la population rurale diminue ; celle-ci ne varie guère jusqu’en 1846 : de 1846 à 1896,

  1. Paul Deschanel, discours déjà cité, p. 270 et. s. — Rayer, Étude sur l’économie rurale du département de Seine-et-Marne.
  2. Emile Chevallier, Rapport cité, p. 10 et suivantes.