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de l’obligation de se démettre qu’il a imposée à M. le général André. Ce malheureux général, un peu candide malgré tout, n’a eu qu’un tort, celui de se faire prendre. La circulaire indique les moyens de se mettre à l’abri de cet accident : prudence, circonspection, sécurité. Nous n’en avons pas fini avec la délation, nous aurons seulement plus de peine à la reconnaître et à la combattre.

La Chambre, en tout cela, a donné raison au gouvernement. Après le premier moment de désarroi, elle a repris possession de ses esprits et elle en use comme auparavant, c’est-à-dire avec une docilité et une soumission exemplaires. Elle s’applique à déblayer le terrain de tout ce qui pourrait embarrasser le ministère dans sa marche et peut-être le faire trébucher. On pourrait en citer vingt exemples ; un seul suffira. N’est-il pas évident qu’une circulaire aussi importante que celle dont nous venons de parler méritait que la Chambre en prît connaissance, et le seul moyen pour une Chambre de prendre connaissance d’un document de ce genre est de le discuter ; après quoi, elle l’approuve ou le désapprouve. Dans le cas actuel, cette procédure était d’autant plus naturelle que M. Combes avait annoncé par avance qu’il préparait une circulaire sur laquelle il priait qu’on le jugeât ; mais, quand elle a été publiée, il s’est dérobé à tout débat en demandant lui-même le renvoi après plusieurs autres de l’interpellation de MM. Renault-Morlière et Ribot. MM. Renault-Morlière et Ribot ne sont pourtant pas les premiers venus, et on n’avait pas à craindre qu’ils fissent de l’obstruction pour gaspiller le temps de la Chambre. N’importe ! M. Combes n’admet plus la contradiction, et, puisqu’il a une majorité dont il se croit encore sûr, il estime tout simple de s’en servir, non pas seulement pour écraser ses adversaires, mais encore pour les réduire au silence.

Malgré tout, cette majorité ne paraît plus aussi ferme et n’est plus aussi nombreuse qu’autrefois. Les beaux jours de M. Combes sont passés ! Peut-être en a-t-il encore quelques-uns devant lui, mais ils ne seront plus aussi tranquilles. L’impatience et l’irritation qu’il montre sont, de sa part, un aveu de ses inquiétudes. Elles ont pris une forme imprévue et toujours la même. Dès qu’on l’attaque, M. Combes accuse l’agresseur d’en vouloir à son portefeuille, ce qui est vil, et il n’a d’autre pensée que de le défendre, ce qui est noble. Cette préoccupation est passée chez lui à l’état de monomanie. Nous croirions volontiers qu’on ne lui arrachera jamais son cher portefeuille, si nous n’avions pas l’exemple de M. le général André, qui paraissait aussi tenir au sien vigoureusement, et qui l’a pourtant laissé choir sans