Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séjour imprévu dans cette baie, qui est encore, à ce qu’il semble, l’un des coins les plus amusans du monde…

Sur le soir de cette journée, presque sans l’avoir voulu, je suis ramené vers Dioudjendji, le faubourg où je demeurais : l’habitude peut-être, ou bien quelque attirance inavouée des sourires de Mme Prune… Je monte, je monte, me figurant que je vais arriver tout droit. Mais qui croirait que, dans ces petits chemins jadis si familiers, je m’embrouille comme dans un labyrinthe ?… et me voici tournant, retournant, incapable de reconnaître ma demeure…

Tant pis ! ce sera pour un autre jour peut-être. Et puis, j’y tiens si peu !


Jeudi, 13 décembre. — J’ai eu le plaisir de rencontrer ce matin au marché Mme Renoncule, ma belle-mère, à peine changée ; ces quinze ans n’ont pour ainsi dire pas altéré les beaux restes que je lui connaissais, et nous nous sommes salués sans la moindre hésitation.

Elle a été on ne peut plus aimable, et m’a convié à un grand dîner, où je dois revoir quantité de belles-sœurs, de nièces et de cousines. En outre, elle m’a appris que sa fille, Mme Chrysanthème, était très avantageusement établie, dans une ville voisine, mariée en justes noces à un M. Pinson, fabricant de lanternes en gros ; toutefois, le ciel se refuse, hélas ! à bénir cette union, qui demeure obstinément stérile, et c’est le seul nuage à ce bonheur.

Le dîner de famille, auquel je n’ai pas cru devoir refuser de prendre part, promet d’être nombreux et cordial. Mon fidèle serviteur Osman, que j’ai présenté comme un jeune cousin, y assistera aussi. Mais ma belle-mère qui, dans les situations les plus délicates, ne perd jamais le sentiment des nuances, a jugé plus convenable que M. et Mme Pinson n’y fussent point conviés.


Samedi, 15 décembre. — Je m’ennuyais aujourd’hui dans Motokagomachi, — qui est la rue élégante et un peu modernisée de la ville, la rue où quelques boutiques s’essaient à avoir des glaces, des étalages à l’européenne, — je m’ennuyais, et l’idée m’est venue, pour me distraire, de recourir aux geishas, comme nous faisions jadis…

Des geishas, pour sûr il devait y en avoir encore, bien que,