à diverses hauteurs parmi les branches, le long du sentier presque clandestin. Ces emblèmes sont des renards blancs, assis sur des socles, — des renards fantastiques, bien entendu, des renards déformés par l’imagination japonaise et traduits sous les traits de maigres bêtes aux oreilles de chauve-souris, montrant les dents avec un de ces rires à ne pas regarder, comme en ont les têtes de mort ; ou bien ce sont de frêles portiques de menuiserie, peints en rouge et couverts d’inscriptions noires, parfois espacés au hasard, ailleurs si rapprochés qu’ils forment une sorte de voûte rougeâtre, sous l’autre voûte si verte des feuillées. Quelques maisonnettes s’étagent aussi sur le parcours, humbles boutiques de baguettes d’encens pour le temple, de bonbons pour les enfans qui montent en pèlerinage, ou de petits renards en plâtre, longs comme le doigt, mais taillés sur le modèle de ceux de la route et montrant l’affreux rictus qui convient. Partout des branches retombantes, des mousses, des fougères ; de beaux mandariniers, garnis de leurs fruits d’or qui achèvent lentement de mûrir au soleil hivernal. Des roches polies, arrondies par le temps et que d’imperceptibles lichens ont marbrées, à l’ombre, de nuances douces et rares : des verts cendrés, des gris passant au rose. Et ça et là, posé sur, quelque vieille pierre debout, un temple en miniature, de la taille d’un théâtre de Guignol, très vieux lui aussi, très fruste, mais ayant ses emblèmes énigmatiques, ses renards blancs et ses bouquets de riz apportés en offrande. La cascade, le plus souvent cachée dans des fissures profondes, vous accompagne de sa grêle musique, tandis qu’on s’élève sous les ramures, par le sentier ardu ou par les marches usées.
Enfin le temple lui-même apparaît, en avant d’un rideau de grands arbres. Un assez petit temple, mais si étrange ! Tout ouvert comme un hangar, très simple, ainsi que tous les sanctuaires de ce Dieu-là, et dépourvu d’aucune idole de forme humaine. Il est en bois, sans doute ancien, mais d’un âge indéfinissable, tant on la bien entretenu, tant sont soigneusement lavés ses panneaux et ses colonnes. Au milieu, descend du plafond comme un lustre un énorme grelot également en bois, sur quoi les fidèles frappent dès l’arrivée, et c’est pour que le Dieu, en train peut-être de flâner parmi les nuages, soit averti qu’on est là, que l’on demande audience. Alentour, les hommes ont arrangé cette nature, déjà presque trop jolie par elle-même,