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que j’ai été véritablement peiné de ne pas trouver dans votre lettre un billet pour votre cousin. Je sens bien que vous étiez pressée de faire partir l’estafette ; mais quelques lignes sont bientôt écrites. La retenue est sans contredit la première vertu de votre sexe et de votre âge. Mais tout doit avoir ses bornes, et aux termes où vous en êtes, la froideur ne peut que l’affliger hors de propos. J’espère que cet oubli ou cette négligence sera bientôt réparé. Songez que voici plus que jamais le moment de jeter les fondemens de votre bonheur futur, qu’il est juste de payer un peu les tendres sentimens que vous inspirez si légitimement, et soyez sûre que vous vous trouverez bien de suivre les conseils que mon âge, ma tendresse et nos malheurs me mettent en droit de vous donner. »

Madame Royale s’empressa de reconnaître ses torts :

« Vous avez raison de me dire que j’aurais dû écrire à mon cousin. Je l’ai trouvé ensuite moi-même. Mais j’avoue que j’avais été si pressée de vous envoyer l’estafette que je ne me suis donné que le temps de vous écrire. Aujourd’hui, je joins avec bien de l’empressement une lettre pour lui. »

Le Roi fut ravi de la lettre, des témoignages affectueux qui l’accompagnaient, et surtout de la joie qu’elle avait causée à son neveu. « Cette joie si vive et si vraie m’a rajeuni de vingt ans, » écrivait-il à son frère. Il remercia sa nièce avec effusion.

« Vous m’avez donné hier, ma chère enfant, un moment bien délicieux. Mon neveu était chez moi quand j’ai reçu votre lettre, et je n’ai pas perdu un instant pour lui donner celle qui était pour lui. Il ne m’appartient pas de vous décrire sa joie ; il s’en acquitte bien mieux que je ne le pourrais faire. Je me borne à vous dire que si jamais j’avais pu douter de votre bonheur futur à tous les deux, je n’en pourrais plus douter aujourd’hui. Jugez donc combien j’ai été heureux moi-même, mais croyez que le plaisir que j’ai ressenti par rapport à mes enfans, n’a nui en rien à celui que votre lettre à moi m’a causé. J’ai besoin d’aimer et d’être aimé, et la tendresse, la confiance que vous me témoignez, remplissent mes vœux. Souvenez-vous toujours, je vous en prie, que je suis votre père, et rappelez-moi souvent que vous êtes ma fille. »

En même temps qu’il se prodiguait ainsi en preuves écrites de sa tendresse pour Madame Royale, le Roi, jaloux de la lui prouver aussi par des actes, se préoccupait de hâter le mariage et de se