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passe centrale. La Fayette et le général Greene se rendirent à bord du Languedoc pour obtenir le concours de d’Estaing. Un conseil de guerre fut tenu dans la journée du 21 août. A la demande d’un secours de six cents hommes, faite par La Fayette au nom de Sullivan, l’amiral répondit qu’il était prêt à en fournir douze cents, à condition qu’on lui garantît que Newport tomberait en deux jours. La Fayette ne pouvait prendre cet engagement. Alors le conseil décida que l’escadre ne pouvait rester davantage au mouillage : deux de ses vaisseaux étaient entièrement démâtés ; elle manquait de tout. L’ordre du Roi était positif : se rendre à Boston en cas d’accident ou au cas où arriverait une flotte supérieure ; or, le Fantasque et le Sagittaire avaient reconnu un vaisseau à trois ponts, qui ne pouvait faire partie que de l’escadre de Byron, récemment arrivée. L’avis unanime du conseil fut d’aller à Boston tout de suite pour s’y regréer et s’y ravitailler. Cette décision fut mise aussitôt à exécution. Le 22 août, toute l’escadre appareilla. Son second mouillage devant Rhode Island n’avait duré que vingt-quatre heures.

Telle fut la troisième étape de l’escadre française. A la Delaware, elle n’avait pas vu l’ennemi ; à Sandy Hook, elle l’avait vu, sans pouvoir le poursuivre ; à Rhode Island, elle l’avait poursuivi, sans pouvoir l’atteindre.

Quand on vit que Newport, que les Franco-Américains avaient failli prendre, restait entre les mains des Anglais, le désappointement fut très vif dans le camp de Sullivan. Ce général alla même jusqu’à publier un ordre du jour injurieux pour les Français ; il oubliait que ses propres retards étaient la première et la seule cause de cette série de contretemps. D’Estaing, qui avait la conscience d’avoir fait son devoir, ne prit pas la peine de se disculper ; il se borna à dire que si ses hommes et ses vaisseaux, qui tenaient la mer depuis de longues semaines, pouvaient jouir enfin de quelques jours de repos, s’il trouvait à Boston les rafraîchissemens et le matériel dont il avait un besoin urgent, il serait prêt à sortir de nouveau et à combattre « pour la gloire du nom français et les intérêts de l’Amérique. »


VI

Parti de Rhode Island le 22 août avec toute l’escadre, y compris les trois frégates qui étaient restées dans le chenal de