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municipaux, abolir son barbare et intolérable octroi, parce qu’il rapporte 110 millions.

Mais les plaintes, les récriminations, les hostilités n’en sont pas moins générales, ni moins vives. Il est certain que le premier impôt que les Anglais supprimeraient s’ils le pouvaient est l’income-tax. Un de ses plus résolus adversaires fut Gladstone, l’esprit le plus libéral, le plus hardi réformateur, le financier le plus éclairé d’Angleterre pendant la seconde moitié du dernier siècle. Sa campagne de 1874 roula presque tout entière sur la suppression de l’income-tax.

« Depuis 1860, — disait-il dans son adresse aux électeurs de Greenwich, le 26 janvier 1874, — l’income-tax a été votée annuellement, mais, quoi qu’il en soit, le vœu le plus ardent du pays est qu’elle soit définitivement abolie… Je n’hésite point à affirmer qu’un effort doit être fait pour procurer au pays cet avantage… »

A la même époque, le comte Russell écrivait :

«… Je considère l’income-tax comme une confiscation partielle de la propriété, comme un impôt auquel on ne doit recourir que dans les circonstances extraordinaires et non comme un impôt normal pour un temps de paix… »

Dans un grand meeting, la résolution suivante, proposée par M. Massey, était votée à l’unanimité :

« L’income-tax est une mesure inquisitoriale de sa nature, injuste dans son application, démoralisante pour le caractère national. »

C’est John Stuart Mill qui portait sur le système ce jugement cruel : « L’income-tax a rendu l’Angleterre menteuse. » Les partisans eux-mêmes de l’impôt avouent ses vices. « Je ne soutiens l’income-tax, disait naguère sir John Lubbock, que de la même façon qu’une corde supporte un pendu. » — « S’il est vrai, écrivait en 1890 M. Blanch, qu’un bon système de taxation consiste dans l’art de plumer une oie sans la faire crier, l’income-tax ne peut guère être citée parmi les bons impôts ! »

Sans cesse les négocians, les Chambres de commerce protestent contre le système, signalent les inconvéniens économiques, ses contre-coups nuisibles aux affaires, et les vexations qu’il entraîne. Les journaux sont remplis de réclamations particulières. Les contribuables les plus modestes sont les plus irrités, les plus vifs dans leurs plaintes, surtout ceux qui sont compris dans la cédule D et dans la cédule E.