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goût immodéré de la guerre, contre celui des constructions coûteuses, qui avait été fatal à Louis XIV. Il établissait comme un principe indiscutable la nécessité dans l’État de quatre pouvoirs : pouvoir législatif, pouvoir exécutif, pouvoir judiciaire et pouvoir administratif. Ce dernier seul appartient sans partage au Roi ; les autres avec des limites. Ainsi étaient passées en revue toutes les attributions royales et l’examen en était accompagné de conseils pressans et raisonnes.

En finissant, le Roi ramenait la pensée de son neveu sur son prochain mariage, sur les nouveaux devoirs qui, de ce chef s’imposeraient à lui et, là, ses conseils se revêtaient d’une forme plus émue, plus attendrie.

« Les mariages des princes sont toujours l’ouvrage de la politique ; le vôtre sera celui de la nature et de nos malheurs. Ils épousent des princesses dont le caractère n’a pu se développer, et qui ne leur sont connues que sur des rapports bien souvent trompeurs. Celle qui doit être la compagne de votre vie, est, à dix-huit ans, l’objet du respect et de l’admiration de l’Europe entière. A peine sortie de l’enfance, elle a connu tous les genres d’infortune, et ils sont devenus pour elle autant de titres de gloire. Sa piété filiale était la consolation de ses malheureux parens. Sa fermeté en imposa à leurs assassins. Que n’avez-vous été, comme moi, témoin de ce jour affreux, où une populace effrénée acheva de faire une prison du palais de nos pères ! Vous auriez vu ce Roi à qui Dieu avait donné la constance des martyrs, cette Reine dont le courage étonnait notre sexe, cet ange céleste qui, avant de quitter le monde, devait y former un cœur à l’image du sien, vous les auriez vus abreuvés d’amertume, accablés d’outrage, retrouver dans les tendres caresses d’une enfant de douze ans cette sérénité d’âme qui, pour la première fois, était prête à s’altérer. Combien de devoirs ses malheurs vous imposent ! N’oubliez jamais que vous devez lui rendre tout ce qu’elle a perdu. En vous la donnant, je continue la volonté de ses parens ; je remplis le vœu des Français, qui la verront, avec des transports de repentir et d’amour, placée près de vous sur les marches du trône. Vous trouverez en elle la vertu, la raison, les grâces ; qu’elle trouve en vous la solide estime, la tendre amitié, les soins délicats. Enfin, mon cher enfant, elle fera votre bonheur ; pour achever mon ouvrage, faites le sien. »