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souvent les miens, c’est mauvais ; mais s’il est escamoté, comme ne sont pas les miens, c’est encore pire. Tout imparfaits d’exécution qu’ils soient dans mes tableaux, je ne les ai jamais négligés. » Il pensait que « le ciel est une partie essentielle de la composition ; qu’il gouverne toutes choses et qu’il serait difficile de citer des motifs dont il ne fût pas la clé, l’échelle et le principal organe du sentiment général. » A propos des paysages de Titien et de Claude, il aimait à rappeler le mot de Reynolds, que « leurs ciels semblent sympathiser avec les sujets de leurs tableaux. » Quant à lui, jusqu’à la fin de sa vie, il ne cessa pas d’en amasser des études nombreuses faites d’après nature. En 1822, il écrit à son ami Leslie : « J’ai peint avec soin une cinquantaine d’études de ciels, d’une assez grande dimension pour être suffisamment terminées. » Ces études étaient exécutées à l’huile sur papier, et toutes portent les indications précises de la date, de l’heure du jour et de l’état de l’atmosphère à ce moment.

Après le ciel, Constable attachait une importance extrême aux arbres. Dans les environs de Bergholt, les plus vieux, les ormes et les frênes notamment, étaient pour lui l’objet d’un culte et il avait si souvent dessiné plusieurs d’entre eux qu’il en connaissait les moindres détails. Ces dessins dont le British Muséum et le musée de Kensington possèdent une précieuse collection[1] témoignent de la conscience et du charme qu’il trouvait à les faire. Quelques-unes de ces études, exécutées à Hampstead, à East-Bergholt et à Gillingham, sont des chefs-d’œuvre de conscience et de maîtrise. Sauf Ruysdaël, aucun artiste n’avait jusque-là rendu avec autant de vérité l’aspect de ces colosses végétaux, pénétré leur vie intime, exprimé si justement leur physionomie individuelle. C’étaient pour Constable de vieux amis ; il parlait d’eux avec une chaleur éloquente et déplorait leur perte comme celle d’êtres profondément chers. Du reste, il ne se lassait pas d’admirer les aimables campagnes de Bergholt, leurs prairies, leurs champs, leurs moindres buissons et leurs fleurs elles-mêmes[2]. « Tant que je vivrai, disait-il, je ne cesserai pas de les peindre. » Son ardeur au travail était merveilleuse ; il s’oubliait en de longues séances, immobile et

  1. Ils leur ont été donnés par miss Isabel Constable, sœur de l’artiste, et il en existe d’excellentes reproductions dans un recueil publié par Augustin Rischgitz.
  2. Le musée de Kensington possède également de lui de charmantes études d’iris, de pavots, d’œillets et de viornes.