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que M. Brisson a acquis, par un long exercice des fonctions présidentielles, une maîtrise qui lui donne au fauteuil à la fois de l’aisance et de l’autorité. On lui reconnaît aussi des intentions d’impartialité qu’il réalise le plus souvent, et dont la sincérité est une garantie commune pour toutes les fractions d’une assemblée. Aussi sa réélection n’aurait-elle pas fait plus de doute pour nous que pour ses amis politiques, si derrière lui on n’avait pas aperçu M. Combes, et même, rétrospectivement, M. le général André. Quelque correct qu’il soit au fauteuil, M. Brisson est homme de parti. Dans diverses circonstances, sans rien faire pour empiéter sur la liberté de la Chambre, il a usé de la sienne pour manifester son opinion, ce qui était son droit sans aucun doute, mais ce qui devait le mêler à la lutte des partis. Enfin, qu’il le voulût ou non, il devait devenir le candidat du ministère dès que M. Doumer posait sa candidature. M. Doumer et M. Combes étant l’antithèse l’un de l’autre, c’est entre eux deux que se livrait le combat par-dessus la tête de M. Brisson. Il en était, toutes proportions gardées, de M. Brisson à la Chambre comme de M. Bellan dans le IIe arrondissement de Paris : on l’avait fait le champion du ministère, et, s’il avait été élu, la victoire aurait été beaucoup moins pour lui que pour le cabinet, qui s’en serait assez légitimement attribué le mérite. M. Combes, comme entrée de jeu au commencement de la session nouvelle, aurait été consolidé et aurait eu dès lors les plus grandes chances de rester en place jusqu’aux élections prochaines. Voilà pourquoi, dans la bataille qui s’est engagée, on n’a plus songé à M. Brisson, et, cette fois encore, on s’est résolument partagé en ministériels et en anti-ministériels. Il n’y avait pas de place à occuper entre deux camps aussi violemment opposés l’un à l’autre.

M. Doumer a été élu par une majorité de 25 voix. Devant ce succès, tout le reste s’efface : néanmoins il y a lieu de faire remarquer la signification complémentaire du second scrutin d’où sont sortis les vice-présidens. Les quatre anciens vice-présidens, MM. Lockroy, Étienne, Guillain et Gerville-Réache ont été réélus. Le dernier était visé par l’extrême gauche qui voulait lui substituer M. Dubief. Enfin, M. Étienne qui, l’année dernière, était arrivé le premier avec une majorité vraiment triomphante, n’est arrivé cette fois que le second : il a dû céder le pas à M. Lockroy. D’où vient cette intervention, sinon de ce que M. Étienne, président d’un des quatre groupes du Bloc, a toujours voté pour le ministère lorsque son existence a été en jeu ? M. Lockroy, au contraire, a usé de son indépendance contre M. Combes, — et surtout contre M. Pelletan qui a été décidément la grande