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dans les derniers replis de l’administration provinciale et jusque dans les couloirs du Palais-Bourbon. Il tombera comme il a mérité de tomber, comme est tombé le premier M. le général André dont M. Combes avait connu les pratiques. La justice immanente des choses veut qu’il en soit ainsi. Le souvenir de ce triste ministère restera attaché dans l’histoire à celui de l’espionnage et de la délation. Il faut espérer que l’institution des délégués administratifs ne lui survivra pas sous la forme cynique qu’il lui a donnée, et que tous ces instrumens de règne disparaîtront avec lui. Il aura succombé sous la révolte de la conscience publique, et M. Doumer aura eu la bonne fortune d’être venu à propos pour représenter cette révolte et lui donner une sanction. Il est probable que les événemens iront vite et que nous aurons à dire, dans quinze jours, comment ils se seront accomplis.


L’année a mal commencé pour la Russie : c’est le 2 janvier que la nouvelle de la chute de Port-Arthur s’est répandue dans le monde, où elle n’a étonné personne, mais où elle a inspiré des sentimens également vils chez les amis des Russes et chez ceux des Japonais. Nous sommes parmi les premiers, naturellement, et quoique nous soyons neutres entre les deux belligérans, quoique notre gouvernement pratique cette neutralité avec une correction stricte, quoique nous ne puissions former que des vœux en faveur de nos alliés, nous sommes libres de nos sentimens et libres aussi de les exprimer.

Il n’y entre d’ailleurs aucune malveillance à l’égard des Japonais pris en eux-mêmes. La France a toujours rendu justice à leurs grandes qualités d’intelligence assimilatrice, et ils montrent aujourd’hui des qualités de caractère qui ne peuvent qu’augmenter, à certains égards, son estime pour eux. Mais, indépendamment de toutes autres considérations, il est difficile d’assister sans aucune préoccupation d’esprit à l’immense révolution qui se précipite en Extrême-Orient, et dont la chute de Port-Arthur a été jusqu’ici l’épisode le plus éclatant. La retraite de l’armée russe devant l’armée japonaise, après des combats glorieux pour l’une et pour l’autre, mais que le général Kouropatkine, ménager de l’avenir, n’a pas cru devoir pousser jusqu’à l’extrémité de ses forces, était une manœuvre d’attente qui paraît avoir atteint son terme. La dernière bataille a laissé les deux armées sur leurs positions en face l’une de l’autre, comme si les Japonais étaient arrivés au bout de leur effort et les Russes au bout de leur patience. Nous ne parlons d’ailleurs que d’après les apparences actuelles : il ne