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autour de lui. Une enquête est ordonnée, naturellement sans résultat. Les chefs se rendent compte de l’incident et, comme le soldat est de bonne foi, on fait semblant de le croire afin de ne pas être obligé de le punir.

Pour des raisons analogues, ne sait-on pas que quand la sentinelle n’a pas été éprouvée par des exercices antérieurs, les rondes et les patrouilles, pour éviter un coup de feu, doivent avoir soin d’avertir de leur approche par un signal convenu ?

Au moment d’une entrée en campagne, les conditions requises pour une opération de nuit n’existent guère avec les réservistes, car, nous l’avons dit, il faut que les soldats se connaissent entre eux. Dans l’obscurité de la nuit, la discipline ne se maintient qu’à cette condition, et de plus, si elle n’est pas remplie, la troupe est exposée à être frappée de panique.

Elle a, en effet, tout le caractère des foules, puisque les individualités qui la composent sont étrangères les unes aux autres et sont, néanmoins, en contact étroit. Nous savons que, dans les foules, les êtres exercent les uns sur les autres une action inconsciente et réflexe, dont l’effet diminue le libre arbitre, l’intelligence et le raisonnement, tandis que l’instinct qui réside au fond de chacun de nous, se développe. Tout être tend à persévérer dans son être, a dit Spinoza. En cas de danger, l’instinct de la conservation pousse l’individu à la fuite. Dans une foule, chaque individualité a une tendance à se laisser aller à son instinct sans s’en rendre compte, au point d’oublier souvent ses propres sentimens. C’est ainsi qu’une foule passe soudainement du calme à la fureur, se livre tout à coup à des atrocités qu’aucun des individus qui la composent n’aurait imaginé sans horreur, ou encore à des excès qui soulèvent ensuite l’indignation de ceux-là mêmes qui les ont commis. Cet état psychologique des foules peut amener avec une extrême rapidité la panique et la déroute. Si une cause quelconque vient donner à cette foule le sentiment d’un danger, imaginaire ou réel, si un fait inattendu se produit, la surprend ou simplement l’étonne, son instinct se donne libre cours et la poussera presque toujours à la fuite. Il suffit dans ce moment que quelques personnes soient impressionnées et prises de terreur, pour que toute la foule, avec la rapidité de la pensée, partage cette terreur et tombe dans l’inconscience la plus complète. Alors se produit l’effet décisif, la panique, état dans lequel l’individu, ayant perdu son libre arbitre