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au dire des témoins, et Louis XIV n’avait pas pour lui la force que donne l’innocence ; parmi les rivales que Mme de Montespan combattait, beaucoup, en dépit de ses efforts, ont eu leur année, ou leur jour. Alors elle s : emportait, et le Roi pliait le dos sous l’orage : « — Elle l’a souvent grondé, disait plus tard Mme de Maintenon à Mademoiselle, et il ne s’en est pas vanté[1]. » C’était l’expiation.

Vint le règne éphémère de Mlle de Fontanges. Elle aussi était colère, et elle traita le Roi avec « encore plus d’autorité que les autres[2]. » Louis XIV appelait Mme de Maintenon à son secours, et la chargeait d’aller apaiser ces furies. Les scènes commençaient à le fatiguer. On avait remarqué, dès 1675, qu’il aspirait à des instans de « repos » et de « liberté. » Mme de Montespan ne sut pas comprendre, avec tout son esprit, qu’il arrive un âge où les hommes ne peuvent plus supporter de vivre dans la tempête, et son erreur fut la cause de sa perte. Le Roi prit l’habitude de se réfugier chez Mme de Maintenon, où il trouvait une atmosphère de paix et une conversation rafraîchissante. C’était la première fois qu’une femme intelligente lui parlait sérieusement, sans chercher à s’attirer une déclaration, ni à le divertir avec des bagatelles, mais pour le délasser agréablement de son travail et, aussi, pour le faire réfléchir à de certains sujets qu’il n’aimait pas ; par exemple, à ce qui attend dans l’autre monde le pécheur qui ne s’est pas repenti d’avoir pris la femme d’autrui. Elle lui rappelait qu’il y avait une police dans le ciel, tout comme dans les résidences du roi de France, et elle lui demandait : « — Que feriez-vous si l’on venait dire à Votre Majesté qu’un de ces mousquetaires, que vous aimez tant, a pris la femme d’un homme vivant, et qu’il vit actuellement avec elle ? Je suis sûre que, dès le soir, il sortirait de l’hôtel et n’y coucherait pas, quelque tard qu’il fût[3]. » Le Roi riait. Il n’avait jamais été plus amoureux de Mme de Montespan, — cela se passait en 1675, avant le jubilé qui les sépara trois ou quatre mois, — mais il n’en voulait pas à Mme de Maintenon, car, déjà, il « ne pouvait plus vivre sans elle[4]. » Que l’on ait ou

  1. Mémoires de Mlle de Montpensier.
  2. Mémoires de l’abbé de Choisy.
  3. Souvenirs sur Madame de Maintenon. — Les Cahiers de Mademoiselle d’Aumale, avec une introduction par M. G. Hanotaux.
  4. Ibid.