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M. Etienne, qui paraissait mieux indiqué pour les Colonies. M. Etienne a d’ailleurs beaucoup de sympathies dans le monde parlementaire ; peut-être réussira-t-il. Mais pourquoi lui avoir enlevé les Cultes et les avoir fait passer à l’Instruction publique ? Comment ne pas voir là une intention fâcheuse, d’autant plus que la presse avancée n’a pas manqué d’en prendre acte très bruyamment ? M. Etienne était soupçonné de n’être pas un partisan assez chaud de la séparation de l’Église et de l’État. Faut-il le dire ? le même soupçon pesait sur M. Rouvier lui-même. M. Rouvier et M. Etienne sont de la vieille école républicaine qui s’était formée autrefois autour de Gambetta et de Jules Ferry, ce qui est assez dire qu’elle était résolument anticléricale ; mais, en même temps, elle restait fermement concordataire, et croyait conforme à l’intérêt de l’État de conserver avec l’Église des rapports qui étaient pour elle un frein modérateur et pour lui une garantie. Il est très possible que MM. Rouvier et Etienne ne pensent plus de même : les temps sont bien changés ! Qui sait, toutefois, si M. Etienne, chargé de l’administration des Cultes, ne se rappellerait pas que le Concordat n’est pas encore dénoncé, et s’il ne rétablirait pas avec Rome des rapports quelconques ? Les radicaux-socialistes et les socialistes purs ont frémi à cette pensée ; ils ont exigé que les Cultes fussent confiés à un ministre autrement sûr. Il y en avait un qui leur inspirait plus de confiance, ou peut-être seulement moins de défiance : c’est M. Bienvenu-Martin, nommé à l’Instruction publique. M. Bienvenu-Martin a joué un rôle actif à la tête de son groupe. C’est lui qui, aux dernières heures, a rédigé les ordres du jour destinés à sauver au moins la face de M. Combes, puisqu’on ne pouvait décidément pas sauver de lui autre chose. Ancien maître des requêtes au Conseil d’État, il connaît la matière administrative. Mais, par-dessus tout, il est anticlérical très militant. On a jugé que c’était l’homme qui convenait aux Cultes. Cette faiblesse n’est malheureusement pas la seule qui ait été commise. Dans les circonstances actuelles, le sentiment de la grande majorité des Français était qu’il fallait mettre un général à la Guerre et un amiral à la Marine, et il est à croire que M. Rouvier l’a secrètement partagé. Mais enlever deux portefeuilles aux parlementaires ! Il a reculé devant cette pensée. Il a donc conservé M. Berteaux à la Guerre et il a mis M. Thomson à la Marine. M. Berteaux, depuis qu’il est ministre, a déjà présenté des aspects si divers que l’opinion reste flottante sur son compte. Quant à la Marine, elle est devenue pendant l’administration de M. Pelletan la maison de l’anarchie. Une main expérimentée pouvait seule y rétablir