personnifia, en quelque sorte, tout le mouvement catholique ; surtout ces années 1849 et 1850, les plus fécondes peut-être de sa vie, où l’on retrouve partout sa parole, son action, où il ne se montre pas seulement comme un orateur, un polémiste incomparable, mais comme un organisateur de premier ordre, et où il voit ses efforts couronnés par cette grande victoire : le vote de la loi sur la liberté d’enseignement. On éprouverait un intérêt passionné à le suivre dans ces luttes mémorables de la tribune, engagées pour tant de causes justes, pour la défense des faibles, des opprimés, à assister à ces triomphes oratoires qui faisaient dire aux adversaires eux-mêmes que, dans nos assemblées délibérantes, nul n’avait obtenu un pareil succès depuis Mirabeau. La lecture des Mémoires du temps permet de se rendre compte de l’impression produite par certains discours, tels, par exemple, que le prophétique réquisitoire contre le radicalisme, à propos des affaires de Suisse, en 1848, et la harangue sur le retour de Pie IX à Rome, en 1849. A la suite du premier de ces discours, la séance fut suspendue, et l’on vit le chancelier Pasquier, quittant son bureau, se diriger vers l’orateur et l’embrasser en pleurant. Le second, au cours duquel Montalembert réussissait à faire applaudir sa profession de foi catholique par les deux tiers de l’Assemblée, arrachait à M. Thiers ce cri : « Vous êtes le plus éloquent des hommes. »
Si j’avais eu à peindre Montalembert dans cette période éclatante de sa vie, j’aurais eu à cœur d’insister sur son caractère, sur sa façon de lutter, bien plus que sur les péripéties de la lutte elle-même. Je l’aurais montré guerroyant comme un chevalier qu’il était, et par là, provoquant des affections passionnées chez ceux qui savaient le comprendre, des indignations haineuses chez ceux dont sa noblesse faisait, par contraste, ressortir les bas sentimens. On eût dit un croisé descendu en armes dans une école sophistique de Byzance, et plus capable de beaux coups d’épée que d’abstractions subtiles.
Mais mon but n’est pas de faire un tel récit. Je me suis attaché aux épreuves de la vie de Montalembert, et j’y ramène l’attention du lecteur parce que ce sont elles qui le présentent sous les traits que je veux peindre. C’est dans ces crises douloureuses qu’il se montre vraiment grand, qu’il est vraiment un croyant ; or, c’est le croyant que ces pages doivent faire apparaître. Dieu me garde, en rappelant ces souvenirs amers, de mettre en