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Ton papa est donc dans son nouveau logement ? Es-tu bien gentille avec lui, et bien sage à ta pension ? Travailles-tu ?

Ton frère a très bien fait son voyage. Il se porte beaucoup mieux. Il couche dans ma chambre et ne me quitte pas. Je l’empêche d’être gourmand et de se coucher tard. Avec cela, j’espère qu’il guérira bien vite. Nous attendons le précepteur qui lui donnera des leçons [M. Bourgoin]. Tous nos filleuls et filleules se portent bien. Tes joujoux sont bien rangés et bien serrés dans la chambre de ton frère. Nous demeurons dans la chambre du haut où demeurait autrefois Léontine [la fille d’Hipp. Chatiron]. Nous y sommes mieux qu’en bas. Tu y auras ton lit quand tu viendras avec nous. Adieu, chérie, nous ne serons tout à faits contens, ton frère et moi, que quand nous aurons notre grosse entre nous deux à table, en voiture et au jardin… On nous a demandé de tes nouvelles à Bourges. Ton frère va te parler de tes amis. Je le laisse continuer la lettre et je t’embrasse un million de fois. Écris-nous souvent. Ta mignonne.


À la même.


Février 1837.

Ta lettre est gentille et mignonne comme toi, ma chère poule. Tu es bien aimable de nous écrire toi-même. C’est comme cela que j’aime tes lettres. Continue à nous écrire souvent et à nous dire tout ce qui te passe par la tête. Tu as donc eu la grippe, ma pauvre grosse ? Tu me dis que ce n’est rien : il paraît que tu ne l’as pas eue bien fort. Malgré cela, si je l’avais su, j’aurais été bien inquiète.

Penses-tu à nous, ma chérie ? Nous parlons de toi tous les jours, ton frère et moi ; à propos de tout nous nommons notre Solange et nous finissons toujours par dire : Quand sera-t-elle là ? Quand ne la quitterons-nous plus ? Dépêche-toi de travailler, afin que nous puissions nous réunir pour toujours.

Ton frère ne va pas mal, mais il n’est pas bien fort. Il ne sort que depuis deux jours, et encore c’est avec bien des précautions… J’ai tellement peur qu’il ne retombe malade, que je ne le quitte pas, et que je n’ai pas encore mis les pieds hors de la maison depuis que je suis revenue ici. Tout le monde est venu me voir et me demander de tes nouvelles. Mme d’Agoult est ici. Elle t’aime beaucoup, et parle aussi de toi fort souvent. Elle me charge de t’embrasser bien fort. Ta pauvre Lucette [paysanne, camarade de Solange] commence à aller mieux ; elle a eu la fièvre tout l’hiver. Son père est mort, elle a eu bien du chagrin, la pauvre petite. Je l’ai fait venir à la maison, et Maurice joue avec elle aux heures de sa récréation, car il prend deux grandes leçons par jour, une depuis neuf heures jusqu’à midi, la seconde depuis deux heures à cinq heures. Le soir il dessine, et je lui fais la lecture. Ce soir il s’est mis à écrire un roman qui nous a fait mourir de rire. Il y a dedans un homme qui ne fait qu’ouvrir et fermer la porte. Il te le lira quand tu seras ici, s’il ne le jette pas au feu un de ces jours. Son filleul Maurice est tout gros et tout rond. Il nous cueille des violettes toute la journée. La grue est dans le jardin avec lui ; elle est deux fois plus grande.