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mes leçons un parfait et un très bien… Adieu, ma bonne mère. J’espère en ton pardon, et je t’embrasse comme je t’aime. — Solange Sand [Elle ne signe plus : Solange Dudevant.]


À la même.
20 juillet 1841, mardi.

Ma Ninonne, ne t’inquiète plus de ma sagesse, car je tiens mes promesses. Tu es bien mignonne de m’avoir envoyé des fleurs[1] ; quand je serai à Nohant je t’en ferai aussi. En attendant, je t’en envoie de sèches [des pensées jaunies sont encore dans l’enveloppe]… Je suis sage, je le serai toujours, ma chère mère. Moi qui étais si paresseuse à la maison que j’en ai honte, maintenant je suis devenue pas précisément studieuse, parce que le travail ne m’amuse pas encore ; mais je le suis beaucoup moins, et même je travaille bien… D’ailleurs, ce serait bien mal à moi d’être paresseuse, car je n’irais pas te voir à Nohant. Et, comme je t’aime autant que tu m’aimes, je désire autant que possible d’aller avec toi…

Toutes les lettres de Solange ne sont pas des actes de contrition. Mais il y en a plusieurs, ce qui est beaucoup pour elle. La note qui revient, en revanche, avec une persistance presque attendrissante, c’est la tristesse de la séparation, l’ennui amer, l’obsédante pensée des êtres qui lui sont chers et qui sont loin d’elle : sa mère d’abord, — elle avant tout, elle toujours ! — puis son Didion (Maurice), puis sa camarade paysanne, la Luce, puis les animaux familiers, son chien Pistolet, les petits chiens, et enfin les hôtes de Nohant, Chopin, etc. D’autres fois, elle bavarde, se grise de grosses bêtises comme on en inventait beaucoup à Nohant, où la gaieté ne chôma jamais.


George Sand à Solange (billet, 1841).

Tu es une grosse farceuse, une grosse blagueuse, une grosse baveuse, avec tes contes. Je sais que tu es sage et mignonne, et je vas te biger et te bien manger. Adieu. Je t’écris sur une jambe, après le concert de Pauline (Mme Viardot), où elle a eu un grand succès et un déluge de bouquets. Nous nous habillons et nous courons dîner en ville. Adieu, mine, grosse mine, grosse chérie.

  1. Ces fleurs (roses et violettes), que nous avons retrouvées dans la lettre de George Sand à sa fille, sont peintes à gouache, de la façon la plus délicate et la plus finie. Ce sont des bouquets de ce genre qu’elle peignait sur des boîtes de Spa, en 1831, lorsque sa littérature ne « rapportait » pas encore, et qu’elle ne réussissait guère à vivre des 3 000 francs de pension que son mari lui allouait.