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TROIS POÈTES LATINS


I. ENNIUS


« Taratantara dixit. »

Il est doux de danser sur les raisins nouveaux,
Et de brandir joyeux les torchés de résine,
Dans la vineuse odeur de la cuve voisine
Dont la tiède buée enivre les cerveaux.

Il est doux de verser à l’aube les olives
Sous la vis gémissante et grasse du pressoir,
Et de voir abonder par les canaux déclives
Un fleuve onctueux d’or épais encor le soir.

Il est doux d’assister le pontife qui mène
Le taureau, le bélier et la truie à l’autel,
Et qui garde, en frappant soudain le coup mortel,
La grave majesté de la grandeur romaine.

Mais certes le plus doux est d’entendre au lointain,
Lorsqu’un rouge soleil illumine les tentes,
S’exalter, parmi l’air libre d’un soir latin,
Les cris impérieux des trompettes stridentes !

II. OVIDE


« Cur aliquid vidi ? »

Le fleuve immense est pris. Les blonds cavaliers Scythes,
Ce soir, n’abreuvent pas leur escadron lassé
Aux rives de l’Ister prochain, frère glacé
Des Léthés oublieux et des mortels Cocytes.

Hier encore, l’eau dans les joncs remuait ;
Mais la nuit glaciale a condensé les vagues.
Ah ! plus même leur plainte amie aux sanglots vagues !
Plus rien que le désert immobile et muet !