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les témoignages occupèrent trois volumes ; et l’auteur, avec le temps, espérait y trouver l’explication lointaine, historique, de la destinée fatale par laquelle le protestantisme, après trois siècles d’efforts pour vivre, lui semblait condamné au suicide.


Ainsi s’exaspéraient les luttes entre confessions, à l’heure où s’ouvrait pour l’Allemagne une ère politique nouvelle ; et c’était un signe, encore, que décidément l’on était sorti de l’âge du romantisme, durant lequel se pacifiaient et s’édifiaient les consciences à la faveur d’une religiosité nuageuse. Écrivant en 1811 à Mathieu de Montmorency, Auguste-Guillaume Schlegel lui expliquait que « ce que la Réforme avait pu avoir de bon était suffisamment assuré, » que « son œuvre était terminée, » que « le temps approchait où tous les chrétiens se réuniraient autour des anciennes et vénérables bannières de la foi ; » et puis il mourait en 1845, sans avoir accepté pour son âme l’ombrage de ces bannières. Mais la pensée catholique, après avoir permis aux courans romantiques de l’accréditer, et de la répandre, et, si l’on ose ainsi dire, de la diffuser dans les âmes allemandes, s’était, peu à peu, ramassée sur elle-même ; elle se distinguait désormais de ce qui n’était pas elle ; aspirant à régner, non plus seulement sur des imaginations choisies, mais sur la vie populaire, elle devenait militante, et pour le succès de ses ambitions, elle ne réclamait, d’ailleurs, que la liberté.

Döllinger détestait les argumens en vertu desquels l’État bavarois, ayant prohibé l’Association de Gustave-Adolphe, défendait aux catholiques d’instituer de leur côté une Association de Saint-Boniface : l’esclavage d’une communion lui semblait entraîner l’esclavage de la communion rivale ; il voulait, pour toutes deux, des franchises égales. Mais les adeptes de l’évangélisme, surtout en Prusse, s’effrayaient d’un tel programme, et le répudiaient. C’est qu’en fait, en déclarant libre l’Église romaine, pourvue d’une papauté, pourvue d’un épiscopat, on l’émancipait réellement de la bureaucratie d’État ; mais cette même déclaration d’affranchissement, s’appliquant à l’Église protestante, n’était qu’un leurre ; car, après comme avant cette Église conservait le Roi comme évêque souverain ; après comme avant, la puissance civile demeurait, dans l’établissement évangélique, l’un des rouages de la vie ecclésiastique. Dans la constitution de l’Église romaine, l’État n’avait point de place ; il en avait une, et