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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/163

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gardé le souvenir et qui leur infligèrent une rude défaite.

Entre temps, le Tchinghiz Khan lançait vers l’Ouest une audacieuse avant-garde, 25 000 hommes, avec ses deux meilleurs généraux, Djéhé et Souboutaï ; longeant la rive sud de la mer Caspienne, ravageant la Perse, ils débouchent tout à coup en Géorgie, enlevant les villes d’assaut, escaladant les châteaux ; ils franchissent le Caucase, comblant les précipices avec des rochers et des pièces de bois, bravant montagnes et torrens, et, tout d’un coup, ils tombent, comme du ciel, dans le pays des Kiptchak, battent les tribus turques et tous les princes de la Russie du Sud et de l’Est, accourus à la rescousse, 80 000 hommes ! ils poussent jusqu’au Dniepr ; puis, tranquillement, ils reviennent, contournant par le Nord la Caspienne et la mer d’Aral, rapportant de ce prodigieux « raid, » sans exemple dans l’histoire, la soumission d’un immense empire, tout ce qui est aujourd’hui la Transcaucasie, la moitié de la Russie, la Sibérie occidentale. En passant, ils avaient appris que, plus loin dans l’Ouest, d’autres Turcs encore, d’autres enfans de la grande famille, étaient établis au bord d’un autre fleuve Touna (le Danube). Ils rejoignirent le Tchinghiz Khan par-delà les Pamir, en Nan-Lou ; « ils revinrent bien contens, dit naïvement Aboul’ ghazi, le Khan approuva le rapport qu’ils lui firent et leur accorda de hautes récompenses. »

Ayant ordonné ses besognes au pays des Turcs, l’Empereur Inflexible revenait vers la Chine, où le rappelait la mort de son lieutenant Moukhouli, et où quelques résistances locales restaient encore à écraser, lorsqu’il mourut, dans une petite bourgade du Chan-Si, le 18 août 1227, à l’âge de soixante-six ans.

Beaucoup de nos livres d’histoire disent que l’œuvre ne survécut pas au fondateur, que son immense empire, sans cohésion, se disloqua dès qu’eut disparu la main ferme qui l’avait créé, et que la puissance mongole ne se réveilla qu’avec Timour. Nous verrons, en étudiant le système de gouvernement du Tchinghiz Khan, que son Empire était fondé sur des bases trop solides pour s’effondrer sans rien laisser derrière lui. Ses conquêtes furent partagées entre ses fils et ses petits-fils, mais l’unité ne fut pas rompue : le Khan, Force du Ciel, héritier de l’Empereur Inflexible[1], resta le suzerain de tous ces rois provinciaux. La force d’expansion de la race était loin d’être épuisée ; c’est en 1241

  1. Les premiers successeurs du Tchinghiz Khan furent Ogodaï, Gouyouk, Meungke, Khoubilaï.