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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/202

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tranquillité à tous, dans votre correspondance avec Nohant. Dieu aidant, tout s’arrangera. » (Mardi, 14 décembre 1848.) Même année, date incertaine, lettre de Solange à sa mère :

Si Clésinger peut, nous irons t’embrasser au commencement de la semaine prochaine… Chopin a déjeuné ce matin avec nous. Il va bien pour lui. Il m’a rapporté des roses et des œillets, ce qui nous a rappelé les beaux œillets de la petite allée.

P. -S. — Manon Lescaut, est-ce un livre que je puisse lire ?

L’année 1849 répara le deuil de la précédente. Le 10 mai, une seconde fille naissait à Solange, encore à Guillery. Dès le 14 mai, Solange, qui avait promis un filleul à Mme Bascans, s’excusait de l’erreur en ces termes joyeux :

Chère Madame, votre filleul s’est converti en une grosse fille d’une dimension énorme. Elle se porte à merveille, et, si elle ne vit pas, je ne sais pas quel enfant pourra vivre. Elle portera les noms de ses parens : Jeanne à cause de son père et de son parrain, Gabrielle à cause de moi et de ma belle-mère, et Béatrice à cause de vous, Mlle de Rozière m’ayant dit que vous aviez une prédilection pour ce prénom. C’est mon père qui est le parrain[1].

« Si elle ne vit pas… », hélas ! elle vécut peu, assez cependant pour être à sa mère et à sa grand’mère une source de larmes intarissables. Jeanne, ou plutôt Nini, va bientôt remplir la correspondance de Solange et de George Sand.

Chopin, plus souffreteux que jamais, écrit à cette occasion :

Un ami bien malheureux vous bénit et bénit votre enfant. Il faut espérer que l’avenir vous [donnera, mot sauté] d’autres gages de consolations et de faveurs. Jeunesse oblige. C’est-à-dire, il faut absolument être heureuse et conserver votre souvenir à ceux qui vous aiment.

Il écrivait encore (c’est la dernière lettre que Solange reçut de lui), le mercredi 4 juillet 1849 :

Ne parlons plus de moi. J’ai vu avec plaisir que vous avez été sans fatigue jusqu’à Bordeaux. Cela ne prouve pas cependant qu’il ne faille pas vous ménager. Je me figure votre petite fillette avec une grande tête riante, criante, tapageuse, bavante, mordante sans dents, et tout ce qui s’ensuit.

  1. La Fille de George Sand, p. 73.