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obtenues. Quand des censeurs un peu plus sévères que les autres entreprirent de nettoyer le Sénat où beaucoup de gens indignes s’étaient glissés, à la faveur des troubles civils, et en firent sortir soixante-quatre sénateurs à la fois, Catilina n’était pas du nombre. Après la mort du dictateur, sous la pression de César, quelques proscripteurs connus, le centurion L. Luscius, L. Bellienus, d’autres encore, qui avaient touché le prix convenu pour chaque tête coupée, et dont on retrouva les quittances sur les registres publics, car tout se faisait régulièrement sous Sylla, furent poursuivis et condamnés ; il ne fut pas question de Catilina. C’est seulement un peu plus tard, quand il venait d’échouer au consulat, qu’un homme important du parti aristocratique, L. Lucceius, pensa que l’occasion était bonne pour le traduire devant les tribunaux chargés de punir les assassins (quæstio de sicariis). L’attaque dut être vive : Lucceius passait pour un excellent orateur. Cependant elle ne réussit pas, et Catilina fut acquitté. Cicéron n’y pouvait rien comprendre, quand il voyait que des accusés qui niaient leurs crimes ou tentaient d’en atténuer la gravité étaient rigoureusement punis, et qu’on épargnait Catilina qui était bien forcé d’avouer les siens, puisqu’ils avaient eu Rome entière pour témoin, et qui sans doute ne prenait pas la peine de s’en excuser. Il faut croire que c’était son audace même qui faisait son impunité. Cette sanglante promenade, dont on se souvenait avec effroi, lui avait créé une sorte de prestige, qui le mettait à part des autres. Cette fois encore, comme il arrive si souvent, les plus obscurs étaient frappés, et le plus grand coupable échappait.

Faut-il penser aussi que ce prestige est pour quelque chose dans l’attrait qu’éprouvaient pour lui les femmes et les jeunes gens ? C’est bien possible. Nous aurons à parler plus tard de l’appui que les femmes donnèrent à la conjuration ; elles ont aussi tenu une grande place dans sa vie privée. Celles qui furent le plus intimement liées avec lui portaient les plus beaux noms de Rome. Il y avait dans le nombre une vestale qui avait été choisie, comme elles l’étaient toutes, parmi les familles les plus illustres ; et, ce qui rend l’aventure plus piquante, c’est qu’elle était la propre sœur de Térentia, la femme de Cicéron. Le cas était grave : Catilina avait été trouvé dans sa chambre. Mais toute la noblesse de Rome s’intéressa pour elle ; Caton lui-même prit sa défense. Pison, qui était un orateur célèbre, prononça en sa