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bien des impressions, qu’il utilisait pour les actes à accomplir.

Ces actes automatiques et inconsciens qu’exécute le somnambule peuvent atteindre un extrême degré de complexité, dans les formes que l’on appelle crises d’automatisme ambulatoire.

Charcot a observé un sujet, dont l’histoire est restée classique : il sort, dans Paris, chargé par son patron de toucher de l’argent ; à un moment donné, il perd la conscience et la mémoire, oublie même son cocher et s’éveille, huit jours après, dans une ville inconnue, sur un pont, à côté d’un régiment dont la musique l’avait éveillé. Craignant les quolibets, il n’ose pas demander le nom de la ville où il se trouve ; il demande seulement le chemin de la gare ; et, là, il lit avec stupéfaction « Brest ; » il avait fait le voyage en chemin de fer, avait pris son billet, avait évité une série d’obstacles, avait mangé en route, peut-être couché quelque part, avait dépensé 200 francs sur les 900 qu’il avait touchés pour son patron…, avait donc eu une série de sensations, toutes restées inconscientes, dont aucune n’avait été perçue par son centre supérieur et dont aucune n’avait laissé la moindre trace dans sa mémoire. Il a la malheureuse idée de se mettre sous la protection d’un gendarme, à qui il montre une ordonnance de Charcot, et qui lui répond : « C’est bien ; je connais ça, » puis le conduit au poste. On le fait coucher dans une casemate sur la paille, pendant qu’on télégraphie au patron pour contrôler son récit. Le patron répond télégraphiquement : « Maintenez l’arrestation ; l’argent qu’il porte est à moi. » Après une série de transferts, du poste au Palais et du Palais à la prison (où il reste dix jours), il peut enfin rentrer à Paris, où il est remercié par son patron ; et la Société de secours mutuels dont il est membre lui refuse des subsides sous prétexte que sa maladie est causée par l’intempérance.

Voilà bien une malheureuse victime des dévergondages de son polygone émancipé.

Sans recourir à des malades, nous avons, dans la vie ordinaire, la preuve quotidienne de l’existence des impressions qui ne dépassent pas les centres psychiques inférieurs.

Dans le sommeil naturel, le polygone perçoit certaines impressions venues de l’extérieur, puisque ces impressions peuvent diriger les rêves.

Chabaneix, dont j’ai déjà utilisé l’intéressant travail, conte que Léon de Rosny disposait des boîtes à musique qui, à un mo-