servir ultérieurement : il y a une mémoire polygonale dont il est intéressant de démontrer l’existence et d’analyser les caractères.
Pour faire cette étude, il faut reprendre les états de désagrégation, dans lesquels le psychisme inférieur fonctionne séparément ; car, à l’état normal, les deux psychismes confondent leur action, d’une manière inextricable, pour la mémoire comme pour les autres fonctions psychiques.
Le somnambule ne se rappelle en général rien, au réveil, de ce qui s’est passé dans sa crise. Mais, dans la crise suivante, il peut se rappeler et se rappelle le plus souvent ce qui s’est passé dans les crises précédentes. Le plus souvent aussi, il se rappelle également, dans la crise, une grande partie de ce qui s’est passé à l’état de veille.
En d’autres termes, le psychisme inférieur désagrégé dans la crise a à la fois sa mémoire de désagrégation et sa mémoire de la veille. Cette mémoire polygonale, qui se meuble à la fois pendant la crise et pendant la veille, est plus étendue que la mémoire de O, qui se meuble exclusivement dans l’état de veille. Comme dit Myers, « c’est la mémoire la plus éloignée de la vie éveillée qui a la portée la plus vaste, dont le pouvoir sur les impressions emmagasinées dans l’organisme est le plus profond. »
Donc, pour déceler la mémoire polygonale, il faut étudier le sujet en état de désagrégation. Le sommeil naturel peut parfois être utilisé pour cela.
Bien des personnes se rappellent dans le sommeil ce qu’elles ont rêvé dans le sommeil précédent et peuvent ainsi reprendre, d’un sommeil à l’autre, et continuer un rêve commencé. Ainsi Mme Rachilde, citée par Chabaneix, reprend et continue un rêve d’un sommeil à l’autre, comme les tranches d’un feuilleton.
Les choses se passent de la même manière dans l’état de distraction.
Chez un sujet actuellement distrait, un souvenir se grave dans le polygone désagrégé, à l’insu des centres supérieurs. Un peu plus tard, étant de nouveau distrait, le sujet retrouve dans son psychisme inférieur, toujours à l’insu de O, le souvenir qui y a été déposé ; il l’utilise, l’applique, s’en sert. Automatiquement il agit conformément à ce souvenir acquis inconsciemment. Et le centre supérieur, toujours ignorant de l’origine de l’acte, croit en être l’auteur exclusif : il considère son acte comme volontaire et conscient.