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rien pour eux-mêmes. Il ne voulait pas se rallier au régime bureaucratique ; il attendait, incertain, d’ailleurs, de vivre jusqu’à l’échéance. Les révolutions en marche sont capricieuses d’allure : tantôt elles marquent le pas, tantôt elles le pressent ; et ce qu’attendait ce chanoine, c’était la Révolution.

Elle survint en mars 1848, secouant des hommes respectables, balayant des choses augustes, et supprimant, d’un même grand geste, toutes les petites entraves qui jusqu’ici avaient empêché Lennig, dans sa ville de Mayence, de grouper ses coreligionnaires et de fonder un journal. Alors Lennig, tout de suite, sur ce terrain qu’un peuple soulevé lui rendait libre, se mit en mesure de bâtir : le journal se prépara, pour le mois de juin ; et les catholiques commencèrent de s’assembler ; ils furent d’abord vingt-quatre, et, peu après, quatre cents ; ils s’occupaient chaque semaine, modestement, de causer entre eux des questions religieuses. Lennig, sans fracas, venait d’ouvrir une école mutuelle d’action catholique.

L’école eut bientôt des filiales, à travers toute l’Allemagne ; et dès le mois d’octobre, les délégués de ces associations naissantes se rassemblèrent à Mayence, au rendez-vous triomphal que leur ménageait Lennig. L’entreprenant chanoine ouvrit le meeting. Fier et joyeux, il rappela le passé : l’époque des entraves, l’époque, aussi, de l’égoïsme catholique ; il accusa, tout ensemble, les bureaucrates de la veille et les catholiques de la veille. « Nous déplorions l’injustice et la perfidie de la presse, déclara-t-il ; mais quant à lui opposer un contrepoids, notre égoïsme nous en empêchait. » L’Eglise allemande avait cette vertu rare, de savoir s’accuser, se confesser, se repentir. Lennig s’emparait de ces deux mots : liberté, association, l’un négatif, l’autre positif ; il les commentait avec éloquence. Il avait d’infinies générosités : « Nous ne combattons pas la liberté de ceux qui croient autrement que nous ; nous leur offrons plutôt notre aide conformément à nos statuts, là où il s’agit de défendre leur liberté contre l’empiétement… » La religion, par ses lèvres, déclarait la guerre à l’absolutisme ; elle commença, aussitôt après, la revue de ses forces.

Buss raconta la campagne de conférences que là-bas, en Bade, il avait conduite, de village en village, pour grouper les consciences et réchauffer les cœurs : les radicaux le suivaient, le traquaient, parlaient de le « refroidir ; » il leur échappait,