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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/383

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que « l’Église allemande ainsi ordonnée, loin d’affaiblir ou de limiter l’influence du Siège apostolique sur la situation ecclésiastique allemande, la faciliterait au contraire, et entrerait dans une union plus étroite, plus solide et plus régulière, avec le centre commun d’unité, que cela ne pouvait se faire dans un état de dislocation et d’isolement. »

On faisait à cette époque un étrange abus du terme : Église nationale allemande. Sous ce nom, des théologiens protestans et des juristes, à Koethen, élaboraient deux projets parallèles ; des pasteurs, un rabbin, un prêtre catholique de Constance, se donnaient rendez-vous à Francfort pour échanger un baiser Lamourette, sous le même pavillon. Il y avait une conception de l’Église nationale allemande, qui visait à grouper les consciences germaniques, sur le terrain du rationalisme religieux : Ronge, Gervinus, caressaient cet idéal. Doellinger, en face de ce péril, voulait que le catholicisme allemand se ramassât sur lui-même, et que, dans la vie universelle de la vaste Eglise, la collectivité des Allemands catholiques fût une personnalité : il avait même, en 1847, dans une fête d’étudians, prononcé les mots expressifs d’Eglise catholique allemande. L’imagination de Lennig, aussi, semblait insister en faveur d’un pareil programme. Geissel, avec un tact consommé, pressentit, sans qu’on pût encore tes discerner exactement, tout ce qui se cachait de périlleuses embûches à l’arrière-plan de ces rêves ; il fit mettre aux actes de l’assemblée le rapport de Doellinger, et transmit à Rome, avec instance, le vœu d’un concile national ; mais on s’arrêta là. Pie IX, bientôt, ajournera ce vœu, et Geissel pourra se féliciter d’avoir été prudent. Lorsque, peu de jours auparavant, au congrès de Mayence, Doellinger avait porté un toast à l’Église catholique allemande, un peintre de Cologne, Baudri, s’était plaint, avec une âpreté humoristique, qu’à côté de cette cathédrale qu’est l’Église universelle on voulût édifier une petite chapelle. Geissel empêcha l’assemblée de Wurzbourg d’en jeter les assises… Et l’on ne songeait pas, alors, qu’un jour viendrait — après la mort de Geissel — où une chapelle allemande, sous le nom de « vieux-catholicisme, » affronterait la grande Église, et que Doellinger, quarante-deux ans après Wurzbourg, mourrait dans une sorte de solitude spirituelle, à mi-chemin entre l’Église, dont en 1871 il se séparera, et la chapelle nouvelle où jamais il n’osera formellement entrer.