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Prussiens à ouvrir des écoles ; l’article 28 leur reconnaissait à tous, sans nulle réserve, le droit de s’associer. Geissel exultait ; il écrivait au nonce que le Roi concédait, presque littéralement, ce qu’avaient demandé les catholiques, dans la commission de la Chambre berlinoise. « C’est un événement d’une incalculable portée, ajoutait-il, notre Église devient incomparablement plus libre qu’elle ne le fut jamais. » La Prusse, immédiatement, apparut aux catholiques de toute l’Allemagne comme la terre de liberté religieuse, qu’ils citaient en guise de modèle à leurs États respectifs. Les principes votés à Francfort, les droits reconnus à Berlin, composèrent une sorte de charte à laquelle se référera l’Église d’Allemagne, de longues années durant, pour conquérir son autonomie ou pour la garder[1].

Ainsi l’Église prussienne émancipée allait être le champ d’expériences sur lequel le clergé catholique, dans toutes les régions de l’Allemagne, fixerait son regard. Moins de dix ans auparavant, l’on plaignait les catholiques de Prusse ; l’heure était venue de les envier. Leur épiscopat avait singulièrement grandi. Geissel, à Wurzbourg, s’était mis à la tête de l’Église d’Allemagne ; lorsqu’un instant on avait songé à faire reposer sur une seule tête la direction de toute l’Église germanique, c’est à Geissel qu’on avait fugitivement songé. Le siège de Cologne prenait dans l’épiscopat germanique l’importance qu’avait eue dans l’Allemagne du XVIIIe siècle le siège de Salzbourg ; le centre de gravité du catholicisme allemand était déplacé ; ce n’est plus en Autriche qu’il fallait le chercher, mais en Prusse Rhénane ; et ces vicissitudes ecclésiastiques étaient comme un étrange prodrome des bouleversemens politiques, qui, moins de vingt ans plus tard, devaient transporter du Sud au Nord, et d’Autriche en Prusse, le centre de gravité du corps germanique lui-même.

L’épiscopat bavarois laissait le souvenir d’une timidité compassée ; les évêques de la province ecclésiastique du

  1. Quant aux vœux émis à Francfort au sujet de la séparation complète de l’école et de l’Église, ils demeureront lettre morte, enveloppés dans la disgrâce qui bientôt, d’un bout à l’autre de l’Allemagne, frappera toutes les maximes du radicalisme. L’État prussien consolidé affectera de proclamer que la religion est à la base de l’école ; et souvent il aura plus de sourires pour les catholiques qui mettront sérieusement ce principe en vigueur que pour les instituteurs protestans qui, s’abritant derrière la façade religieuse officielle, commettront volontiers des fanfaronnades d’incroyance. On ne peut rien lire de plus instructif, à ce sujet, que le copieux rapport publié en 1855 par M. Eugène Rendu sur la situation de l’enseignement primaire dans l’Allemagne du Nord.