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d’une intime entente entre le mouvement syndical et le mouvement parlementaire.

Mais cette entente est loin d’exister. Les interminables polémiques au sujet de la grève générale sont l’expression d’une mésintelligence, inutile à nier, entre les deux mouvemens ouvriers, politique et corporatif. Celui-ci ne demanderait pas mieux que de se rendre indépendant de celui-là. En France et en Hollande, l’organisation politique et l’organisation ouvrière sont en perpétuelle hostilité. La même antipathie, moins avouée, règne en Allemagne et en Angleterre. Dans ce dernier pays, les organisations politiques, qui s’efforcent d’acquérir de l’influence sur les Trades Unions, n’ont eu qu’un succès médiocre[1]. Cette querelle reflète l’antagonisme du socialisme bourgeois et du socialisme ouvrier, la lutte de classes au sein même des partis populaires. Si bien, comme le dit M. Paul-Louis, que la question n’est pas de savoir comment les politiciens socialistes divisés rétabliront entre eux l’unité durable, mais comment ils marcheront d’accord avec les syndicats et les Bourses du Travail, avec les militans ouvriers animés du sentiment révolutionnaire, beaucoup moins satisfaits que les politiciens, commodément installés dans leurs fauteuils de députés.

Constatons, en terminant, que les ouvriers d’Angleterre et d’Amérique, ceux-là mêmes dont le degré d’éducation et d’organisation est le plus élevé, ont depuis longtemps abandonné l’idée de grève générale, dont le succès laisserait l’industrie dans le plus redoutable désordre[2].

Le sort de la classe ouvrière suit le progrès de la grande industrie. L’industrie est d’autant plus prospère, elle attire d’autant plus les capitaux, qu’elle subit moins d’entraves, soit par l’effet de la législation, soit par le fait de grèves inconsidérées, de grèves désastreuses.

J. Bourdeau.

  1. Vliegen, Enquête sur la grève générale.
  2. A. M. Simons, Enquête sur la grève générale.