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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/503

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domaines bien cultivés et des mines d’argent. Surtout il s’occupait du commerce des esclaves qui était un de ceux qui donnaient les meilleurs profits ; il les faisait instruire chez lui, surveillant leur éducation et y mettant la main lui-même, pour les revendre ensuite très cher à ceux qui avaient besoin de bons secrétaires, de lecteurs, d’intendans, de maîtres d’hôtel. Il était l’homme le plus riche de la république, mais il ne lui suffisait pas d’avoir obtenu cette considération dont on est assuré quand on possède quarante millions de biens fonds au soleil et de bonnes créances sur les personnages les plus importans de son, pays, il voulut avoir aussi la puissance politique, et, pour la conquérir, il usa de sa fortune avec une libéralité qui n’est pas ordinaire à ceux qui l’ont péniblement acquise. Devenu aussi généreux qu’il avait été avide, il obligeait volontiers ses amis et ses connaissances, il prêtait son argent sans intérêts et il avait ainsi pour débiteurs une grande partie de ses collègues du Sénat. Quant au peuple, il le charmait par sa civilité, et, ce qui lui était plus agréable, il lui avait fourni gratuitement du pain pendant trois mois. On comprend qu’en les payant si cher, il s’était fait beaucoup d’amis ; et pourtant, tes succès qu’il avait obtenus dans sa vie politique ne le contentaient pas entièrement. Par une sorte de mauvaise chance, il avait toujours trouvé Pompée sur ses pas. Pompée lui avait enlevé la gloire d’achever la défaite de Spartacus, qu’il avait très habilement commencée. Il n’avait pu arriver aux plus hautes fonctions qu’en s’alliant avec Pompée, et on les avait nommés consuls ensemble. Ce consulat avait été fort agité ; il lui avait fallu supporter, de la part de son vaniteux collègue, beaucoup de ces déboires d’amour-propre qui lui étaient particulièrement cruels, car il était disposé à croire, comme tous les financiers, qu’étant le plus riche, il devait être le plus puissant et le plus honoré. On comprend qu’avec tant de raisons de détester Pompée, il fût mécontent de le voir revenir et qu’il essayât, par toute sorte de mouvemens et d’alliances même suspectes, de se faire un parti qui lui permît de résister au mauvais vouloir d’un rival odieux.

César ne devait pas être beaucoup plus satisfait que Crassus d’un retour qui menaçait de compromettre l’ascendant qu’il avait pris sur le parti populaire. Depuis le départ de Pompée, il en était le chef véritable. Il avait sur ses deux associés l’avantage d’avoir toujours marché dans la même voie. Tandis que les