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manière elle est arrivée à la connaissance du public. Nous pouvons nous appuyer ici sur des textes précis. A l’époque où fut plaidé le procès en concussion intenté par les Africains à Catilina, on n’en avait aucun soupçon : Cicéron le dit formellement. On ne s’en doutait pas davantage dans les premiers mois de l’année 690, pendant la lutte que se livraient les candidats aux élections consulaires. Il n’en est question ni dans la lettre de Quintus, ni dans le discours de Cicéron (In toga candida) où il traite si mal Catilina. S’il avait su ce qui se tramait, il n’aurait certainement pas manqué de le dire. On voyait sans doute que Catilina se donnait beaucoup de mai pour attirer à lui toute une jeunesse sans ressource et sans scrupule. La peine qu’il prenait, les sacrifices qu’il s’imposait pour se les attacher auraient dû, à ce qu’il semble, inspirer quelques inquiétudes et ouvrir les yeux sur ses desseins secrets. Mais il était candidat, et l’on pouvait toujours prétendre qu’il ne se donnait tant de mal et ne cherchait à réunir tant de partisans autour de lui que pour le succès de son élection. La même raison pouvait expliquer jusqu’à un certain point qu’il essayât de gagner à sa cause des villes de l’Étrurie, du Picenum, de la Gaule, Fæsulæ, Arretium, Capoue. Nous venons de voir que l’Italie aussi envoyait des électeurs au Champ de Mars, et que les candidats avaient intérêt à s’y faire des partisans.

On était donc arrivé jusqu’au milieu de l’année 690 sans que l’existence de la conjuration fût soupçonnée, et en effet, à ce moment elle existait à peine. Catilina avait peut-être confié ses projets à quelques-uns de ses amis les plus sûrs, mais nous savons qu’au plus grand nombre il ne faisait que des demi-confidences, « il les prenait à part, sondant les uns, encourageant les autres, leur montrant les ressources dont il disposait, la république sans défense, et combien le succès serait facile et profitable. » C’est alors qu’après les avoir endoctrinés séparément, il réunit chez lui ceux sur lesquels il comptait le plus, c’est-à-dire les plus audacieux et les plus misérables, et leur dit ouvertement ce qu’il était résolu à faire. Salluste nous a donné la date de cette réunion : c’était aux environs du 1er juin 690, à peu près un mois avant l’élection qui l’allait mettre aux prises avec Cicéron. Il est bien probable que s’il sortit alors de sa réserve, c’est qu’il voulait enflammer le zèle de ceux qui allaient voter pour lui, et nous voyons en effet qu’en finissant son