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réfractaire d’ailleurs à l’élégance de l’esprit et à la puissance de l’art. L’Académie de Metz recevait et publiait des communications littéraires, le Conservatoire de musique formait des élèves, les concerts donnés par les maîtres attiraient toute la ville, le ténor Dupré se faisait entendre et applaudir au théâtre avant d’être accueilli à l’Opéra de Paris. La gloire d’Ambroise Thomas commençait à poindre. L’école de peinture était représentée par Maréchal, le grand peintre verrier, par Auguste Rolland dont les pastels reproduisent si fidèlement la physionomie de la terre lorraine, ses étangs, ses forêts, ses grands animaux de chasse ; par De Lemud, au crayon si fort et si délicat ; par Devilly, si bien fait pour peindre les soldats. C’est à Metz, au milieu de ces vétérans de l’art que s’est formé le fort et délicat talent d’Emile Michel, qu’il a appris à observer la nature, à en rendre les nuances les plus différentes avec tant de justesse et de charme. Ce sont eux qui ont développé en lui le sentiment de toutes les variétés de l’art, ce sont eux qui l’ont préparé au rôle de critique qu’il remplit aujourd’hui avec une si haute autorité.


II

Les souvenirs de ma jeunesse me laissent, à distance, une impression très douce. Il me semble que je vivais dans un milieu agréable, parmi des gens satisfaits de leur sort. La nature humaine demeurant partout la même, on soupçonnait bien quelques drames secrets, des amertumes, des jalousies, des rivalités. Mais l’ensemble offrait une apparence de contentement. Quoiqu’il y eût dans la ville trois opinions, représentées par trois journaux différens : le Vœu National, légitimiste, l’Indépendant, ministériel, le Courrier de la Moselle, républicain, quoiqu’il en résultat des polémiques assez vives, les relations entre les personnes restaient plutôt courtoises. Jamais je n’ai entendu prononcer autour de moi les paroles de haine, les anathèmes violens qui depuis ont si souvent frappé mes oreilles. On ne pensait pas de même, sans se croire pour cela le droit de se mépriser et de s’injurier. Une certaine politesse subsistait entre les partis, à l’image du monde militaire qui donnait l’exemple de la correction et de la tenue.

Le collège de Metz, où j’ai fait mes premières études, de la huitième à la philosophie, rassemblait tous les élémens de la