et raconté une fois de plus toute l’histoire des rapports de l’Église et de l’État en France, et, pour n’en rien omettre d’essentiel, il a pris les choses à l’origine : la première période qu’il retrace à grands traits va « de Clovis à Mirabeau. » Il ne nous épargne d’ailleurs ni Grégoire VII, ni Innocent III, ni Boniface VIII, ni le concile de Bâle, ni la Pragmatique de Bourges, ni rien enfin de ce qui peut réveiller dans notre mémoire le souvenir des grandes luttes entre les papes et les rois ou les empereurs. Avons-nous besoin de dire que, dans l’opinion de M. Briand, les papes ont eu toujours tort et les rois ou les empereurs toujours raison ? Les premiers attaquaient, les seconds se défendaient, et ils défendaient avec eux la liberté des peuples. A côté des grands faits qui sont familiers à nos écoliers, M. Briand en cite beaucoup de plus petits, au sujet desquels on peut se demander pourquoi il choisit ceux-ci plutôt que ceux-là. Il s’appuie le long du chemin sur l’opinion de quelques grands esprits, mais il lui arrive parfois de ne pas la comprendre, ou de ne pas l’interpréter très bien. C’est ainsi qu’il fait intervenir Machiavel au profit de sa thèse. Machiavel, étant ambassadeur en France en 1501, écrivait, dit-il, au cardinal d’Amboise : « Les Français n’entendent rien à la politique ; autrement, ils ne laisseraient pas l’Église devenir si grande. » Et voilà Machiavel embrigadé parmi les partisans de la séparation de l’Église et de l’État ! M. Charles Benoist, qui a beaucoup pratiqué cet auteur et qui ne le connaît pas seulement pour en faire des citations, a constaté l’exactitude matérielle de celle qu’en a tirée M. Briand ; mais il a expliqué à la Chambre qu’il ne s’agissait nullement là de l’Église en France. Machiavel faisait allusion aux conquêtes de César Borgia dans les Romagnes, et il exhortait le roi Louis XII à s’y opposer par la force. Il y a beaucoup d’autres traits du même genre dans le rapport de M. Briand, et M. Charles Benoist pourrait s’amuser à les relever. Mais à quoi bon ? La question, la vraie, la seule, est de savoir si le Concordat qui a été fait il y a un peu plus de cent ans, et qui nous a donné, quoi qu’on en dise, un siècle de paix religieuse, a perdu toute sa vertu et s’il est désormais incapable de continuer à nous rendre le même service. Pour la résoudre, il faudrait étudier nos mœurs actuelles ; relever ce qu’elles ont conservé de nos traditions anciennes » faire une enquête impartiale dans le pays tout entier ; interroger les corps élus qui le représentent, conseils généraux, conseils d’arrondissemens, conseils municipaux ; interroger aussi les représentons du gouvernement, et écouter enfin toutes les réponses avec un esprit dégagé de prévention. M. Briand aime mieux nous faire l’histoire
Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/716
Apparence