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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/730

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rouge à Paris. Nous nous séparons sur la place du Châtelet. En passant devant le Louvre, l’idée me vient que, si le signal de la résistance peut venir de quelque part, il devrait être donné par l’état-major du gouvernement de Paris. Je m’y rends, et je trouve, sur le perron, le général Schmitz, entouré de beaucoup d’officiers et adressant des remontrances à un chef de bataillon ou capitaine de la garde mobile, qui n’aurait pas bien exécuta ses ordres. Je m’informe si l’on a pris des mesures pour dégager l’Hôtel de Ville. Je témoigne mon étonnement de ne pas voir des forces armées autour de l’hôtel du gouverneur. Je demande si l’on a songé à préserver de toute invasion l’Imprimerie nationale et le Journal officiel. Je reproche à haute voix, à très haute voix, à toutes les personnes qui sont là, portant des uniformes militaires, de ne pas connaître la force des moyens dont ils pourraient disposer. Il suffirait de faire battre le rappel sur la rive gauche de la Seine ; tous les gardes nationaux de ces bataillons, qui sont excellens, accourraient en masse, et l’on pourrait avec eux dégager aisément l’Hôtel de Ville. J’ai beau insister ; on ne me répond pas. Le général Schmitz rentre dans les appartemens intérieurs de l’hôtel, et quelques officiers plus jeunes, que je ne connais pas, me disent en haussant les épaules : « Vous le voyez, il n’y a rien à faire ici. » Je sors, le cœur navré. En passant à l’hôtel du ministère des Affaires étrangères, pour tâcher de parler à Jules Favre, j’apprends qu’il est à l’Hôtel de Ville, et qu’on l’y croit prisonnier. Je passe au ministère de la Guerre. On n’y a pas davantage de nouvelles de M. Leflô. On le croit également au pouvoir des insurgés. Il est arrivé à M. Beugnot, officier d’ordonnance, l’ordre de ne pas faire marcher la troupe. Il est sept heures : je rentre, de plus en plus consterné, à la maison, où je trouve mon fils, qui est venu de Belleville dîner avec nous. Il me raconte qu’il a, le matin, vers une heure, rencontré Flourens se dirigeant avec son bataillon sur l’Hôtel de Ville, qu’il était en voiture, a fait fouetter le cheval pour courir tout droit à l’hôtel du gouverneur de Paris, et avertir le général Schmitz, et qu’il l’a trouvé fort indécis et tout perplexe. Le général Schmitz, au lieu de donner lui-même ses ordres, l’a prié de passer à l’état-major de la garde nationale, à la place Vendôme, afin d’avertir ces messieurs. A la place Vendôme, mon fils a trouvé les esprits tout aussi troublés. Ces messieurs avaient déjà été avertis. Ils ont donné l’ordre de faire battre le rappel, pour réunir quelques