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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/735

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M. de Bonnechose me fait également remarquer qu’il serait indispensable d’envoyer de la garde nationale à la mairie du VIIe arrondissement ; car le maire et son entourage sont des hommes fort exaltés, et capables de faire voter, ce matin, la constitution de la Commune de Paris, suivant la promesse qui en a été faite hier aux insurgés. Ces avertissemens me semblent utiles à faire parvenir aux membres du gouvernement. Je monte donc au premier étage de l’hôtel du ministre.

Les membres du gouvernement de la Défense nationale siègent dans le salon qu’occupait hier M. Thiers. Il y a plusieurs personnes dans la pièce qui précède, entre autres MM. Calmon, Henri Didier, Hervé et le prince Bibesco, officier d’ordonnance du général Trochu. Je m’adresse à M. Bibesco, qui témoigne quelque hésitation et ne paraît pas se soucier d’aller prendre les ordres de son général. M. Pelletan, M. Hérold sortent de la chambre où l’on délibère. Je les entretiens de la demande faite par le commandant du 15e bataillon, de recevoir des ordres pour protéger l’hôtel du ministère où siège présentement le gouvernement, et la mairie du VIIe arrondissement, qui peut devenir un centre d’action pour les hommes de désordre de nos quartiers. Point de réponse. Après s’être laissé prendre hier comme dans une souricière, à l’Hôtel de Ville, ces messieurs trouvent simple de n’ordonner, ce matin, aucune mesure pour leur sûreté personnelle et contre le retour des scènes qui ont épouvanté tout Paris. Il semble qu’on leur soit incommode en montrant plus de prévoyance qu’eux. Le général Trochu sort, à plusieurs reprises, de la salle où le gouvernement délibère. Soit qu’il ne me reconnaisse point, à cause de ma tenue de garde national, soit qu’il ne lui convienne pas de me reconnaître, il cause avec plusieurs autres personnes et ne me donne pas signe de vie. De mon côté, je me garde bien de m’imposer à son attention ; notre commandant, M. de Narcillac, étant entré dans le salon à peu près en ce moment, je l’ai mené à M. Bibesco et je lui ai dit : « Voici l’aide de camp du général Trochu, et voilà le général ; tâchez de vous faire donner des ordres. » M. de Narcillac, s’étant approché du général, a été autorisé par lui à faire occuper la cour du ministère des Affaires étrangères par son bataillon tout entier, et le 17e a reçu l’ordre d’envoyer plusieurs compagnies à la mairie du VIIe arrondissement.

Je suis encore resté quelque temps dans la salle d’attente.