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rhétorique dans la capitale. Je dis la rhétorique, parce que cette classe était la seule qui préparât aux principales épreuves du concours. Restait à choisir l’établissement où j’entrerais. Mon père, ayant été élevé au collège Sainte-Barbe, pensa naturellement pour moi à cette grande maison.

Le régime en était paternel. Le directeur, M. Labrouste el le préfet des études, l’excellent M. Guérard, originaire de Metz, comprenaient tous deux à merveille ce que l’internat pouvait avoir de pénible pour des jeunes gens habitués à vivre dans leur famille. Autant que le permettait le bon ordre de la maison, ils adoucissaient la sévérité du règlement. Ce fut un moment dur que celui où je quittai la liberté de l’externat pour m’enfermer entre les quatre murs d’une prison. Mais je dois dire à l’éloge de mes maîtres qu’ils n’épargnèrent rien pour me rendre ce passage moins sensible. Encouragemens, paroles bienveillantes dites à propos, sorties exceptionnelles accordées comme récompense, chaque jour m’apportait une preuve de leur sollicitude. Dans la mesure où ils le pouvaient, ils remplaçaient la famille absente. Nous nous sentions doucement surveillés, soutenus, aimés par eux. Ils éloignaient de nos esprits l’idée si cruelle de l’isolement. Il n’y a rien de plus douloureux que le sentiment de la solitude au milieu de la foule anonyme. Ils nous l’épargnaient à force de bonne grâce et d’attentions délicates. Nos camarades s’inspiraient de leur exemple et sans doute aussi de leurs conseils. Au lieu de faire des niches aux nouveaux, les anciens leur tendaient amicalement la main et les mettaient tout de suite à l’aise par la franchise de leur accueil. La pièce de Scribe avait rendu célèbre la camaraderie de Sainte-Barbe. Je puis attester qu’elle existait réellement et que nous en recueillions tous le bénéfice.

Les plus forts des Barbistes, et particulièrement les candidats à l’Ecole normale, suivaient les cours du collège Louis-le-Grand. J’ai refait là deux années de rhétorique dont j’avais le plus grand besoin pour ne pas m’en faire accroire sur mes succès de province et pour apprendre à me mesurer avec des concurrens beaucoup plus redoutables que mes anciens camarades du collège de Metz, avec les meilleurs élèves des collèges de Paris. La première leçon qui me fut infligée me vint d’un professeur tout à fait distingué, M. Rinn. Celui-ci, l’année où j’entrai dans sa classe, était chargé de la rhétorique française. Il nous donna pour commencer un sujet de composition dont je ne me rappelle pas