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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/816

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revue des deux mondes.


si j’en trouve le moyen, à Versailles. Goumy a dû en revenir aujourd’hui ; demain matin, j’irai lui demander des nouvelles.

Conversation aujourd’hui avec un professeur de sciences et un vieux peintre. Ils sont tous les deux favorables ou presque favorables aux insurgés. Cela me confond toujours ; on ne comprend pas qu’un homme intelligent ait une si faible notion du droit et de la justice. Après avoir dirigé avec soin la conversation, j’arrive aux conclusions suivantes : 1° Un des grands principes de cette opinion est l’amour-propre. Le peintre me disait : « Je ne veux obéir à personne, personne n’a droit de me commander, ni roi, ni magistrat, ni assemblée ; nos députés ne sont que nos serviteurs. » — En 1848, les journaux violens disaient au peuple que les députés n’étaient que ses commis.

2° Dans les matières un peu difficiles, comme les questions de gouvernement, de société, de constitution politique, l’intelligence moyenne du Français est insuffisante ; il est borné, il se paie de mots, il se croit compétent, et ne voit pas même que la question est délicate, abstruse. Et, à défaut d’intelligence suffisante, il n’a pas l’instinct de l’Anglais ou en général de l’homme du Nord.

Visite à M. Foissac, le vieux médecin catholique, homme du monde, ami de M. Thiers. Il me prête un Corneille ; je prépare mes lectures pour Oxford.

Je n’irai pas de quelque temps à Châtenay, faute de moyens de transport. Par prudence, à cause du voisinage de la canonnade, je n’y veux pas coucher. Si les insurgés réquisitionnent, ils n’y trouveront pas grand’chose. Les dégâts des Prussiens, dans le village et aux environs, y sont trop nombreux et trop visibles ; mais le jardin est intact.


À Madame H. Taine.
Orsay, dimanche de Pâques, 9 avril.

Je ne suis pas allé à Châtenay depuis mardi 4, je n’irai pas avant que l’ordre ne soit rétabli. Il paraît que dans ces derniers jours, les insurgés ont parcouru les environs de Sceaux en faisant des réquisitions et en enrôlant de force les hommes valides ; peut-être est-il arrivé malheur à nos domestiques ; mais je n’ai aucun moyen de m’en informer.

M. Vavin est venu me voir ce matin ; il arrivait de Ver-