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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/818

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revue des deux mondes.


cours pour cette année : je ferai plus long celui de l’an prochain ; je vais préparer mes conférences pour Oxford. Inutile et en danger à Paris et à Châtenay, je suis venu passer quelques jours ici.

Je suis loin de penser que les choses soient finies dans une semaine. Le général commandant de l’Ecole polytechnique me disait aujourd’hui que les forts du Sud ne peuvent être pris avant d’avoir été écrasés par l’artillerie. On n’en est pas encore là, on compte surtout sur une défection, sur l’achat d’une porte — et même alors, il y aura une terrible bataille dans Paris ; les insurgés ont des chefs très résolus, deux entre autres capables, Rossel[1]et Dombrowski[2], ils ont eu le temps de faire tous leurs préparatifs ; ils ont toutes les munitions nécessaires, ils sentent que leur tête est en jeu, et le pillage des maisons riches entretient les appétits. — A vrai dire, on ne peut rien prévoir de la situation où nous serons dans un mois. — J’ai écrit à M. Vavin, à Versailles, pour avoir des renseignemens autres que ceux des journaux. Je ne lis que le Gaulois.


A sa mère.
Tours, 20 avril.

Nous resterons ici plus longtemps que je ne croyais. Les personnes qui viennent de Versailles et les lettres qui nous arrivent disent que l’insurrection ne sera pas de sitôt vaincue. Le gouvernement diffère pour ne pas faire trop de ruines et faire couler trop de sang ; contre 100 000 hommes armés, tout à fait fous, et munis de toutes les ressources militaires entassées par le siège, il faudrait une bataille terrible dont le succès serait peut-être incertain. Les lettres de Libon à sa mère sont dans ce sens et fort tristes. Je retournerais tout de suite à Châtenay, si les forts du Sud et les Hautes-Bruyères étaient aux mains de nos troupes, mais en ce moment les bombes tombent sur Sceaux et Fontenay. Je travaille à la Bibliothèque avec des livres qu’on nie prête pour mon cours d’Oxford, je lis beaucoup et copie les textes nécessaires.

  1. Rossel (Louis), ancien élève de l’École polytechnique, délégué à la Guerre, fusillé à Satory, le 28 novembre 1871.
  2. Dombrowski, commandant la première armée de la Commune, tué le 23 mai 1871.