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Shaftesbury. Mais le premier ministre, lord Derby, poussé par l’évêque Wilberforce, détourna le coup en nommant une Commission royale, chargée de faire une enquête sur toutes les questions de rubriques[1]. Après deux mois employés à entendre des témoins dans chaque sens, les commissaires aboutirent, en août, à un premier rapport qui ne traitait que de la question des vêtemens. Leur conclusion était « qu’il convenait de restreindre, dans les services publics, tout ce qui, en matière de vêtemens, s’éloignerait de ce qui était depuis longtemps en usage dans l’Eglise, et que le mieux, pour cela, serait de fournir aux paroissiens lésés un moyen facile et efficace de plainte et de redressement. » Ils ajoutaient « n’être pas encore en mesure de recommander à la Reine le meilleur moyen de donner effet à ces conclusions. » Bien que témoignant de sentimens défavorables aux Ritualistes, cette décision était loin de donner pleine satisfaction à leurs ennemis. On remarquait qu’elle parlait seulement de « restreindre, » non de prohiber l’usage des vêtemens ; qu’elle ne supposait cette restriction qu’au cas de plainte des paroissiens, et qu’elle n’indiquait aucun moyen d’exécution. Wilberforce se vantait de cette solution comme d’un succès inespéré. « La commission, écrivait-il à un ami, nous a sauvés de l’intervention parlementaire. J’y ai poussé dans ce dessein, car intervention parlementaire signifie persécution et séparation[2]. »


II

Aucune mesure efficace n’ayant pu être obtenue des évêques ni du Parlement contre les Ritualistes, la Church Association se demanda si elle n’aurait pas plus de chance de les atteindre en les déférant aux tribunaux ; et elle entreprit alors cette campagne judiciaire qui devait se prolonger pendant plus de vingt ans et donner une physionomie si singulière à la lutte religieuse. Les tribunaux compétens en la matière étaient ceux qu’on avait vus naguère à l’œuvre dans la fameuse affaire Gorham et dans celle des Essays and Reviews : en première instance, la Cour des Arches, juridiction nominalement ecclésiastique par ses origines, mais exercée, depuis quelque temps, par un juge unique et

  1. Life of Wilberforce, t. III, p. 205 à 211.
  2. Ibid., t. III, p. 214 à 218, 229, 237. — Life of Pusey, t. IV, p. 215, 216. — A. H, Mackonochie, A memoir, p. 146.