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Pendant que Jowett exerçait sa maîtrise à Oxford, son ami Stanley, nommé, par la faveur de la Reine dont il avait épousé l’amie, doyen de Westminster, devenait l’un des personnages les plus en vue de l’Angleterre[1]. En possession d’un opulent bénéfice qui l’exemptait de toute juridiction épiscopale, il en profitait pour faire de son abbaye la citadelle du Broad Church. Désormais, c’était avec une sorte de désinvolture indifférente aux mécontentemens de l’autorité ecclésiastique ou aux effarouche-mens de l’opinion religieuse, qu’il pratiquait et accentuait le latitudinarisme anti-dogmatique qui était depuis longtemps le fond de ses idées. Un personnage suspect d’hérésie se voyait-il interdire la prédication par son évêque, Stanley se hâtait de l’appeler à prêcher dans son église : c’était sa façon de protester contre ce qu’il détestait par-dessus tout, l’intolérance orthodoxe. Dans son désir d’ « élargir l’Eglise chrétienne, » il imaginait de faire faire, dans la nef de l’Abbaye, des lectures par des ministres non conformistes, ou même par des savans non chrétiens. En une circonstance solennelle, en 1870, à l’inauguration des travaux de la Commission chargée de réviser la traduction de l’Ancien Testament, il admettait à la communion un ministre unitarien qui, comme tel, rejetait la divinité du Christ : le scandale fut si grand que la Convocation vota une motion de blâme, dont du reste Stanley ne s’inquiéta guère. Quelques années auparavant, en 1867, l’archevêque de Canterbury lui ayant exprimé le désir de célébrer à Westminster le service de clôture de l’assemblée à laquelle avaient été convoqués les évêques anglicans du monde entier, il s’y était refusé, parce qu’il se méfiait des décisions prises par cette assemblée sur l’affaire Colenso. Dans toutes les communions religieuses, c’était aux révoltés que ses sympathies allaient de préférence ; ainsi les témoignait-il très vives à l’ex-père Hyacinthe, à Renan, à Döllinger. Cette attitude et l’ardeur souvent un peu âpre avec laquelle il se jetait dans les polémiques lui valaient d’être de plus en plus suspect aux orthodoxes, qui, en 1872, essayèrent, vainement il est vrai, d’empêcher son inscription sur la liste des select preachers de l’Université d’Oxford. Mais, en même temps, grâce au charme de son esprit et de son commerce, à l’attrait de son salon où il groupait les hommes distingués de tout pays et de toute opinion,

  1. Life and letters of dean Stanley, t. II, passim.